Il y a ce genre de romans où on passe d'un sourire béat à de franches et sincères larmes. Pagnol, c'est le genre d'auteur qu'on n'a jamais vraiment lu, et qu'il suffit de quelques pages pour accepter totalement l'univers.
A l'instar du baiser pré-nocturne de la mère du narrateur de la Recherche de Proust, on vit les souvenirs d'enfance de Pagnol. Tout dans ce qu'il dit nous renvoie à notre propre expérience. Son écriture, limpide comme celle d'un enfant (un peu en avance), résonne dans notre tête, et coule de manière fluide. On lit chaque tome d'une traite, on se perd dans cette expérience unique.
Et quel attachement à chaque personnage ! Marcel est le personnage le plus intéressant bien sûr, étant le plus approfondi. Tour à tour espiègle, rebelle, mélancolique, joueur, attachant, on peinerait à faire son portrait... Sa sincérité vis à vis de sa famille ne peut que nous émouvoir lorsqu'il s'agit de décrire ce cortège qui suit le cercueil de sa mère... On s'attache bien sûr à ce Lili, grand ami du narrateur, qui nous transporte dans le plaisir bucolique des grandes vacances, tel cette amitié dont on sait que le manque chronique nous fait apprécier d'autant plus la substance. La naïveté touchante de la narration, conjuguée à de nombreux épisodes qui se terminent tous très bien, donnent à l'appétit du lecteur une véritable satiété. Quand on sort de Pagnol, on est repus de toute aventure. Non, il n'y a pas d'aventure dans les Souvenirs d'enfance, et c'est bien comme cela. C'est un beau petit monde, avec ses hauts et ses bas, mais au final, tout semble finir dans l'harmonie des choses et des coeurs.
Avec ce portrait en creux de la Provence authentique, de la famille de l'instituteur de province à la Belle-Epoque, et enfin de l'enfance, source de l'insouciance et des expériences uniques et inoubliables, on ne peut que se plaire à lire Pagnol. J'avoue un faible pour le Château de ma mère : les allers et retours le long du canal, les tensions entre le stress des premiers passages et l'allégresse des derniers, et surtout cette maman qui nous rappelle évidemment la nôtre... Voilà, le récit de l'enfance. Et ce sourire béat.