It came from the Space!

« Je sais ou je veux aller depuis mes quinze ans »…déclaration résolue et ferme d’un auteur pour qui cette tétralogie à venir est bien plus que la simple tentation de thématiques aussi vendeuses que faciles comme les théories du complot, la seconde guerre mondiale, l’ésotérisme et l’occultisme, les extra-terrestre et le mystère, etc.…un joyeux pot-pourri de mythes modernes, d’Histoire et de SF.
Le cocktail vous semble fumeux, sachez que le monsieur officie plutôt du côté des gens dits sérieux, il a reçu pour son premier livre La Campagne militaire de 1870 en 2004 le prix de l’Académie Stanislas de Nancy, s’est bâti une solide réputation d’historien local et aura attendu une trentaine d’années (et quelques autres livres d’Histoire) pour faire publier son premier d’un cycle. Il le dit lui-même, ce livre « c’est la concrétisation d’un rêve d’enfance », et la lecture de ce premier tome confirme tout le bien que les premières pages de son livre en ligne m’avaient laissé.

Allemagne 1939, Hitler annexe à droite et à gauche, prélude au déclenchement de la plus grande guerre vécue, pendant qu’Himmler obsédé par ses rêves d’une antique et supérieure race indo-européenne nordique, dont les allemands seraient les descendants directs, dépêche aux quatre coins du globe des émissaires à la recherche d’artéfacts d’une science antique extrêmement avancée!
Friedrich Saxhauser jeune vétéran de la première guerre mondiale, ancien SA, garde du corps de Hitler, et enfin officier SS du renseignement (le SD-Ausland), et Joachim Schmunt pseudo-savant et archéologue de l’Ahnenerbe (« Société pour la recherche et l'enseignement sur l'héritage ancestral » organisme ayant réellement existé) sont envoyés au Moyen-Orient à la recherche d’atouts et de preuves afin d’étayer les théories nazies et renforcer si possible les forces militaires du Troisième Reich.
Le premier est un homme bien bâti, presque une caricature de la propagande nazi, grand, fort et blond, il a vécu les horreurs de la première guerre et s’est forgé un caractère à toute épreuve sans pour autant avoir oublié d’être subtil, il ne fait pas moins pour autant parti de la masse des anciens combattants allemands qui se sentent floués au sortir du Traité de Versailles, ce qui va orienter ses rencontres et le placer dans le cercle intime des futurs maîtres de l’Allemagne.
Le second cache derrière une certaine bonhomie due à son embonpoint et une fausse naïveté, un esprit vif et une intelligence calculatrice, ce qui l’a maintenu en vie et lui a même permis d’intégrer comme « chercheur » ce fameux organisme et ses délires mystiques.
Mais l’un comme l’autre, au demeurant de parfaites antithèses, ont su garder une réflexion alerte, un esprit critique et une certaine forme de curiosité et d’indépendance.
Dans une atmosphère crépusculaire au travers d’une Europe agitée par les soubresauts de l’Histoire, et d’un Moyen-Orient nimbé de mystère, les deux allemands vont faire face à l’inconnu et changer leur vision du monde et de l’Allemagne Nazi.

Le travail de restitution du contexte historique en filigrane de l’intrigue est saisissant et contribue grandement à la compréhension de cette Allemagne post-première guerre mondiale, l’effondrement économique, la rigueur de la période, et le désarrois des populations y sont fort bien retranscrit. Au travers des souvenirs de Friedrich qui émaillent le récit (et qui se trouve habilement aux points important de l’Histoire et de l’histoire), le lecteur comprend ainsi un peu mieux comment la doctrine du NSDAP à pu se faire un chemin dans les esprits de la population, et déboucher sur l’une des période les plus dramatique de notre histoire.
L’auteur maîtrise également son intrigue de bout en bout sans temps morts ni fausses notes. Il n’a de cesse d’enrichir son récit avec forces détails, dont certains éléments apparemment anodins auront des répercussions sensibles voir cruciales sur l’histoire plus tard.


Ecrire un livre qui mêle théorie du complot, occultisme, extra-terrestre, nazisme, et mythes, plus encore faire parler des figures historiques aussi honnies que Himmler et Hitler, était un vrai travail d’équilibriste et aurait pu déboucher sur un résultat hasardeux, voir complètement raté ou sensiblement nauséabond.
Le poids de l’Histoire de la Seconde guerre mondiale pèse encore aujourd’hui lorsque l’on aborde les sujets des SS et du nazisme, mais cette période fascine et interroge tout à la fois par toutes les zones d’ombres qu’elle a soulevées que par l’ampleur de l’évènement et des théâtres d’opération, et utiliser comme personnage principal un SS était un pari risqué. Mais Friedrich Saxhauser n’est ni une caricature ni une tentative d’humaniser un SS. Il est un personnage ambigu, évoluant dans les nuances du gris (lol), plutôt que dans le noir. Vétéran de la première guerre mondiale, compagnons d’armes des SA, il se pose des questions sur le régime, ses méthodes (la trahison de La nuit des Longs couteaux), les expérimentations (celle des médecins et de l’Ahnenerbe), il est de plus en plus conscient des artifices utilisés par ses supérieurs afin d’encadrer les populations, de leur rhétorique mystico-guerrière, et de leur délires de supériorité aryenne. Toutes ces réflexions vont entamer sa détermination à permettre aux maîtres du Reich de mettre la main sur ce qu’ils ont vu et récupéré en Irak.


Livre plaisant par son style, jamais rébarbatif, ni poussif, alchimie de l’Histoire, de l’aventure et de la science-fiction, c’est au final un redoutable travail d’historien doublée d’une fiction haletante et efficace, qui ne prend jamais le lecteur pour un imbécile en cédant à la facilité (avec des thématiques pareils c’eut pourtant été aisé !) que Stéphane Przybylski vous offre. Certes il y a déjà une frustration naissante à l’idée qu’il va falloir attendre 2017 pour enfin aller au bout de l’intrigue, mais la lecture est si plaisante et passionnante que c’est un écueil de forme.