La mort ne leur va pas si bien.

The Loved One est un roman satirique britannique de l'immédiat après guerre, pensé par Evelyn Waugh qui, comme son nom ne l'indique pas, est un homme. En moins de deux cent pages bien compactées, le roman nous fera observer avec beaucoup de méchanceté, voire d'agressivité à la fin, la vulgarité des aspirants bourgeois californiens à une société policée de codes. Le livre prend pour cela le cadre des cérémonies funéraires, qui seront l'occasion pour l'auteur de moquer tant le rapport des Américains à l'art qu'aux bonnes mœurs et au sacré.

Le protagoniste du roman, Dennis Barlow, est un poète anglais revenant de la guerre. Au grand dam de la chic société des émigrés britanniques à Hollywood, qui pantouflent auprès des studios et craignent de voir leur réputation ternie par ce médiocre, notre héros travaille dans une petite boîte de pompes funèbres pour animaux domestiques. À l'occasion de la mort de son seul ami, un lord dégradé qui se pend suite à son renvoi, Barlow va découvrir l'utopique cimetière de Whispering Glades et son personnel, qui seront le prétexte à introduire la satire.

J'ai beaucoup aimé le livre, et peut-être pas (seulement) pour mon anti-américanisme primaire. Le roman a, par certains aspects, une tête de livre à concept avec la société dans la société qu'il décrit et que constitue ce cimetière pour bourgeois plein de mauvais goût, de kitsch, et de prétention grasse. On retrouve certes des éléments de grosse satire qui tache comme l'onomastique des personnages (le mal nommé Joyboy, l'héroïne qui se nomme Thanatogenos, un improbable employé d'un courrier du cœur se faisant passer pour un gourou indien) mais le livre sait exister en-dehors de ce dispositif en reprenant beaucoup des codes du roman de mœurs européen, que le cynisme assez fort du personnage principal vient tordre.

Evelyn Waugh évoque avec une tendresse noire et pleine d'autodérision les pouvoirs limités de la littérature, et notamment de la poésie, discréditée à la fois pour sa possibilité de faire vivre son homme mais aussi de réellement marquer les mémoires, souvent réduite dans le livre à un exercice de mirliton destiné à enfariner son prochain à peu de frais. Mais on sent derrière cette peinture qui se scarifie trop pour être honnête de l'écrivain une forme de douleur peut-être à ne pas parvenir, avec le travail du mot, à quelque chose de plus digne que ce que propose une société petite bourgeoise et stupide rêvant convenances.

The Loved One n'est sans doute pas un roman absolument incontournable dans une bibliothèque imaginaire mais c'est une bonne petite comédie noire qui grimace, percutante dans sa fin et bien pensée.

Un auteur à explorer davantage pour moi.