Quelques décennies avant les joyeuses aventures du "Trône de Fer", George R.R. Martin nous propose de suivre les aventures de Dunk, chevalier errant de son état, et de l'Oeuf, son écuyer.
La nouvelle est un format délicat. Sur un petit nombre de pages, l'auteur doit rapidement accrocher le lecteur, lui en mettre plein les mirettes et refermer le conte avant que ce dernier ne dépasse le nombre de pages imparti. Autant dire que l'exercice n'est pas à la porté de tout le monde et que son côté casse-gueule ne peut être surmonté que par les écrivains de talent. Mais nous avons ici affaire à G.R.R. Martin, un mec qui nous a quand même offert le trône de fer. Autant dire pas la moitié d'un écrivain.
Mais alors que valent ce Chevalier Errant et cette Épée lige? Quand on sait que Martin met 5 ans pour écrire un roman tant les intrigues sont pensées et repensées pour être le plus crédible possible, on ne peut qu'être sceptique de prime abord. Pourtant c'est une histoire de qualité qui nous est donné à lire.
Si on n'est loin des personnages subtils et tortueux du trône de fer, les protagonistes de cette histoire sont attachants et chacun peut facilement s'identifier à eux. Bien sûr le format du livre empêche de développer d'avantage leurs personnalités mais Martin réussit le tour de nous les rendre sympathiques sans pour autant tomber dans des stéréotypes simplistes. Bien que le happy end tant attendu finisse par arriver, ce n'est pas sans avoir eu auparavant notre lot de sang, d'intrigues et de combats épiques.
De prime abord j'ai été tenté de dire que "Le chevalier errant" était la plus faible des deux histoires. Pourtant avec le recul je pense que celle-ci était nécessaire. Martin nous livre ici l'histoire d'un gamin né dans la misère et la fange qui, par la force des choses et un petit coup de pouce du destin, parviendra à s'élever comme chevalier. Chevalier, le mot est dit. Tout ici tourne autour de ces hommes d'armes et de leurs serments. Lorsque l'on connait le monde de Westeros, sombre, tortueux, fait d'intrigues et de luttes entre les puissants pour la conquête du pouvoir, on se dit que finalement la chevalerie et ses nobles principes sont morts et enterrés depuis bien longtemps. Martin nous montre qu'il existe toutefois des individus fidèles à l'éthique et aux valeurs. Mais face à des lecteurs habitués aux bassesses et à la félonie des "preux" chevaliers, Martin avait besoin de planter le décor, d'habituer ces derniers à un personnage qui n'est pas un gros enfoiré comme les autres. Voilà en quoi "Le chevalier errant" semble être la partie faible du roman. Pourtant, plus on avance dans la lecture, plus le talent de l'auteur nous saute au visage. Car cette grandeur d'âme qui habite Dunk semble contaminer ses "collègues" chevaliers au point de donner envie à certains de se surpasser pour revenir aux vraies valeurs de la chevalerie.
"L'épée lige" poursuivra la quête de vérité et de justice entamée au cours de la première histoire. Perdu dans le Sud de Westeros, au service d'un vieux chevalier dont la grandeur de sa maison est éteinte depuis longtemps, Dunk et son écuyer seront questionnés sur le véritable sens donné à la loyauté et à l'honneur. On y retrouve ce style si propre à Martin et ses personnages aux antipodes d'un manichéisme dépassé depuis longtemps. N'est pas l'ennemi que l'on croit et la vilénie est souvent cachée chez ceux que l'on pensait amis. J'ai véritablement eu l'impression d'un huis-clos étouffant (et ce n'est pas seulement dû à la sécheresse qui accable le Sud!) où le héros se questionne, hésite, est tiraillé entre son serment et son amour de la justice et du code d'honneur qu'il s'est juré de respecter. On évolue en même temps que lui au gré de ses découvertes, de ses tâtonnements, de ses erreurs.
Au final que penser de ce prélude au Trône de fer? S'il parait moins sombre que son "grand-frère", ce livre est une véritable perle de poésie et de remise en question. Une lecture plus qu'indispensable pour les amateurs de l’œuvre phrase de G.R.R. Martin.