Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue

« Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue »
Voilà la gentillesse qu’alors Boileau prodigue,
À l’œuvre bien connue de Corneille, le Cid,
Décrivant l’atmosphère de la guerre fratricide,
Entre académiciens, d’où jaillit le scandale,
Jusqu’à l’intervention d’un fameux cardinal.

On reproche à la pièce d’avoir abandonné,
Les règles du théâtre qu’Aristote a fixées.
On accuse son auteur d’une contrefaçon,
Cherchant à l’étranger son manque d'inspiration.
On interprète enfin ses héros espagnols,
En pleine guerre de Trente Ans comme un fâcheux symbole.

Pour ma part peu au fait de ces querelles d’experts,
Car n’en n’ayant jamais eu quelque chose à faire,
Le formalisme classique dont on tirait sa gloire,
N’a guère plus d’importance quatre siècles plus tard.
C’est pour sa seule beauté que j’estime l’ouvrage,
Sans trop considérer le respect des usages.

Je fais une exception concernant la métrique,
Du bel alexandrin qui joue de sa musique.
Les rimes suivies choisies pour l’écriture en vers,
Dynamisent l’ensemble, et l’action s’accélère.
Les sons sont harmonieux, les métaphores sublimes,
Et enivrent les sens comme un grand millésime.

Quant à l’histoire, hélas, c’est là où le bât blesse,
Ces récits de vengeance, d’honneur et de noblesse,
Sont assommants à lire, on y périt d’ennui.
Ce n’est pas tant le thème qui aurait mal vieilli,
Mais bien le ridicule des personnages en scène :
Le roi, l’infante, l’amant, le père, le comte, Chimène.

Pas un seul pour agir avec tempérance,
On répond par le fer, le talion, la violence.
Comme un anti-modèle pour tous les contentieux,
Où l’honneur est lavé et chacun malheureux.
Ce n’est pas le final qui clôt les sacrifices,
Qui me fera donner autre note qu’un six.