Fritz Lang ne serait pas Fritz Lang s’il n’était pas passé par le cinéma muet. Il en a retiré un don extraordinaire pour les cadrages et les jeux de lumière, toujours adaptés aux émotions que ses acteurs expriment. J’ai rarement vu d’aussi beaux noirs et blancs que dans ce film, comme dans cette fameuse scène du retour de Wilson dans l’embrasure de la porte, véritable tableau où chaque élément dégage une terrifiante sensation d’oppression.
La vengeance ou la justice, encore la signature de Lang quand c’est traité avec autant de lucidité sur la nature humaine. Presque tous les personnages ont des âmes noircies par la saloperie. Les politiques veulent des postes, les médias du spectacle, le peuple du sang, et le lynché une revanche, même la police se tait pour préserver la paix sociale, toutes les institutions ont cédé face à l’hystérie collective. Pas facile de prendre position quand on est témoin de la disparition de la raison à petite et grande échelle.
Les acteurs sont au poil, ils portent leur personnalité sur leur visage. Joe a une de ces bouilles de fou vengeur ! Idem pour Katherine dans son rôle de coeur pur, et pour chaque membre de la foule déchaînée. La séquence du procès fait figure d'un second lynchage d'une grande intensité dramatique. Autres lieux, autres méthodes, les bourreaux sont devenus victimes et la victime bourreau.
Une conclusion un peu facile, peut-être, mais il faut bien garder une note d’espoir.