Quatrième roman sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri, mais sous l’appellation d’Emmanuelle Bayamack-Tam, elle en compte dix, Le Club des enfants perdus est tout sauf un roman attendu et tranquille.
Ce roman de Rebecca Lighieri raconte une même histoire avec deux visions, complètement différentes, deux subjectivités qui s’affrontent mais ne cessent de devenir complémentaires pour décrire une adolescente préoccupée de l’avenir du monde.
Le premier à s’exprimer est Armand, un ours, comme il aime se présenter. Cet ours est plutôt du genre balourd lorsqu’il raconte le malaise de sa fille. C’est vrai que sa personnalité, être comédien égocentrique et narcissique, ne l’aide absolument pas à comprendre sa fille Miranda, complètement différente du couple qu’il forme avec Birke, en fait, une jeune femme très effacée et introvertie.
Seulement le portrait qu’il nous en fait se fissure petit à petit, montrant de plus en plus une personnalité en butte à tout l’équilibre établi de sa famille versée dans la culture, et particulièrement le théâtre. Le lecteur se transforme en petit Poucet afin de recueillir les éléments qui laisseraient deviner la véritable personnalité de Miranda. Mais, loin de s’en rapprocher, le lecteur ne peut qu’être stupéfait de la partie suivante que Miranda nous fait découvrir.
Si Armand m’avait énormément énervée, Miranda m’a complètement impressionnée, tant elle fréquente un domaine particulier. Dans la description de Rebecca Lighieri, on perçoit chez cette jeune femme, une profusion d’enfer, de malaise adolescent aux connotations fantastiques qui se manifestent à travers ses pouvoirs surnaturels. La télépathie l’empêche et l’isole. Zoomorphe, elle voyage dans le temps et le passé pour accéder à d’autres domaines que la rationalité. Est-ce des délires et des hallucinations de son psychisme perturbé, exacerbé par son malaise adolescent, ou est-ce vraiment des forces obscures que Rebecca Lighieri réveille avec son héroïne ? …
« Elle souffre de la souffrance des autres » ou des animaux « par son empathie vis-à-vis du monde » dit dans une interview Rebecca Lighieri. Et donc, en hypervigilance pour tous et tout, sa sensation de fin du monde lui semble prochaine et avec, l’extinction de l’espèce humaine.
De ces jeunes adultes, le plus souvent des filles, la génération actuelle en a de plus en plus d’exemples. Des êtres branchés sur la noirceur du monde, incapable de gérer leurs inquiétudes, qui devient vite handicapante.
Rebecca Lighieri immerge son lecteur dans l’enfer, où le père, Armand, reprenant la parole à la fin de l’ouvrage, réussira à rassembler toute la sympathie du lecteur, retrouvant ainsi son statut de père attentif, mais déboussolé, comme tous. Complètement à contre-courant de ce que la littérature produit actuellement, l’écrivaine réussit à dépeindre une jeunesse égarée, sans espoir. Ainsi, cette jeunesse qui normalement aurait tout pour être heureuse, ne peut s’inscrire dans l’avenir sans penser que le monde est en voie d’extinction. Un roman qui dérange, inquiète, mais permet de comprendre l’inquiétude de la jeunesse actuelle.
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/10/20/le-club-des-enfants-perdus-rebecca-lighieri/