Le cœur est un chasseur solitaire par Nina in the rain
Ça faisait longtemps qu'on me parlait de Carson McCullers, tu vas voir, c'est génial, tu vas adorer, c'est superbe, c'est splendide, et bon moi comme je suis une chieuse plus on me dit du bien d'un roman moins j'ai envie de le lire. Du coup des fois je passe à côté de chefs d'œuvre pendant des années jusqu'au jour où je me décide à me bouger le derrière et à les lire. Bon, je ne vais peut-être pas aller jusqu'à dire que Le Cœur est un chasseur solitaire est un chef d'œuvre, mais je dois tout de même avouer que par moments ça m'a remué les tripes assez correctement et qu'au final c'est réellement un grand roman. Même si l'idée que l'auteur n'avait que 22 ans quand elle l'a écrit m'arrache un peu la goule...
J'ai souvent pensé en le lisant aux Raisins de la colère, un autre roman splendide où on voit le désarroi des familles américaines face à la crise et face à la dégringolade de l'American way of life. Dans le roman de McCullers, on ajoute à cela une dimension en plus : la ségrégation raciale et le racisme des américains des années 30 dans le sud des États-Unis. J'ai failli écrire début du XXème siècle, voire même milieu du XIXème quand on voit le dénuement et le type de vie des héros de ce récit, donc le seul lien avec la modernité sont les filatures de coton qui surplombent la ville. Tous ces personnages effroyables (Mick l'enfant pauvre passionnée par la musique mais qui ne pourra jamais en faire faute d'argent, son frère Georges qui manque tuer la voisine tellement il l'aime, le tenancier du bar maltraité par sa femme, le communiste devenu fou, le médecin noir que les blancs haïssent, la petite bonne...) gravitent autour de Singer, un jeune homme sourd, le seul à « écouter » leurs maux, le seul avec lequel ils ne se disputent pas puisqu'il ne parle pas. Et ce Singer auquel on ne sait si l'on s'attache ou pas va être une espèce de fil rouge tout au long de ce roman fleuve qui, tout en ne racontant rien de précis, est en fait une peinture assez perturbante d'une Amérique du Nord d'entre-deux-guerre que l'on souhaiterait plus imaginer à travers des séries télé et des images d'Epinal que dans la crudité et la nudité que McCullers nous montre.
Toutefois, que cette description ne vous fasse pas peur : Le Cœur est un chasseur solitaire, même s'il ne vaut mieux pas le lire en période de déprime, est un roman superbe dont la puissance d'évocation en laissera plus d'un haletant. Une très belle découverte.
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