Putain. Pour une fois que j'attends un livre de la rentrée littéraire avec une impatience folle, parce que Chloé Delaume tu comprends ?
J'adore la meuf. Depuis Le Cri du sablier.
Ok, je suis loin d'avoir bouffé toute la biblio mais y'a pas à chier, j'adore cette meuf.
J'en veux je crois, à mon repré, qui m'a fait comprendre que je serai un peu déçu cette fois. Je l'ai mal pris. M'a t-il dit ça parce qu'en tant que mec, le fait de s'en prendre plein la gueule dans les romans de Delaume donne l'envie aux mâles de dissuader de lire ? Lui qui avait l'air si sensible.
Le poison était jeté, les inquiétudes révélées. Allais-je aimer le prochain Delaume, comme j'avais adoré Les Sorcières de la République ?
Bordel non. J'ai pas aimé du tout. Et pourtant je saisis toute l'importance et la pertinence du texte : Adelaïde est de retour sur le marché de l'amour, célibataire à presque 50 piges. Depuis Mona Chollet, c'est devenu un fait grand public (les hommes ont enfin pris conscience, les femmes le savaient déjà), les femmes prennent tarpin à l'instar du mâle vieillissant. Tant sur le plan physique que sur le plan moral.
Et puis il y a en fond toute cette critique de l'univers littéraire, des éditions aux auteurs, Chloé Delaume se moque de La Grande librairie, d'elle-même, toujours avec cette insolence, quoique devenue plus mature aujourd'hui, mais qui ne perd pas son charme pour autant. Chloé Delaume me fait rire même quand je n'aime pas son livre et je trouve ça assez balèze dans la vie.
D'habitude donc, je lis Delaume, un peu comme ce couple SM où tu es le dominé et que la maîtresse te claque un coup de fouet sur le cul pour chaque mauvaise action. Et t'en redemande avec joie.
Mais là, absence de domination. Et...
Complète projection dans ce corps de femme de quarante-six quarante sept ans, paradoxale, paumée entre cette personnalité féministe et cette projection constante dans le couple hétérosexuel, véritable pommade remède à la solitude et à la peur de crever seul.e.
Voilà pourquoi je n'ai pas aimé ce roman. Parce qu'il a fait écho en moi, je me suis senti étalé sur 200 pages, vivant les moments d'Adélaïde avec une amertume profonde, une rage sourde, le sanglot étouffé, et moi qui pensais être bourré d'auto-dérision, cette fois ça n'a pas pris.
J'ai donc détester aimer ce livre pour sa justesse, sa pertinence, parce que je ne sais pas faire autre chose quand je lis de la fiction, que de me projeter sur les protagonistes. L'égo démesuré ? Tout à fait.
Le Coeur synthétique est-il un bon roman ? Oui.
Va t-il permettre aux lecteurs de Delaume de rester dans leur zone de confort habituel ? Non. Et c'est sûrement en ça qu'il peut-être décevant.
Delaume élargit le public et nous le fait comprendre en critiquant le système éditorial, le besoin de faire plus de fric, les attentes des actionnaires sur les auteurs qui ne se vendent pas malgré un soutien important dans le milieu indépendant.
Au final Le Coeur synthétique se lit comme une romance feel good de l'été, mordante parce que Madame est forte, mais chez moi ça n'a pas pris. Comme quoi on peut toutefois bien noter un livre sans pour autant l'aduler.
À vous de voir !