Avec ce roman, Rufin emmène son lecteur dans le Berry. C’est le mois d’août, en 1919. L’encre n’est pas encore sèche au bas du traité de Versailles que l’écrivain s’intéresse à un ancien combattant (mais quel homme ne l’était pas en ce lendemain de guerre ?). L’homme croupit au fond d’une cellule. Dans un bureau non loin de là, un planton veille sur le prisonnier et attend. Devant la geôle, sur la petite place écrasée de chaleur, un vieux chien décati aboie sans discontinuer.

Dans cette torpeur estivale, le temps semble suspendu. Si le clébard ne faisait pas autant de boucan, on entendrait une mouche voler. Quand un changement intervient : un commandant en uniforme pénètre dans ce monde figé. Il est juge militaire et est mandaté pour instruire le dossier de l’accusé. Le lecteur ignore de quoi ce dernier s’est rendu coupable. Contrairement à l’officier, il n’a pas eu accès au dossier. Et il ne faut pas compter sur Rufin pour nous dévoiler le tableau. Plutôt qu’un long discours, l’auteur nous immerge peu à peu dans l’affaire, entre deux siestes, par les interrogatoires successifs, par les rencontres avec un avoué local, le gendarme du bourg, la fiancée du prisonnier.

On revient sur les quatre années de guerre, le front d’Orient, en Grèce, en Serbie où Morlac a combattu. Sur le chien qui aboie sans cesse après son maître et qui l’a suivi partout jusque sur le champ de bataille. L’ignominie de la guerre. La révolution russe qui a essaimé ses idées au-delà des frontières de l’ancien empire tsariste. La montée du marxisme. De la fraternité. De l’anarchisme.

Et une histoire d’amour : celle de Valentine et de Morlac. Une histoire interrompue par le conflit. Une histoire qui peine à renaître de ses cendres après le bouleversement du conflit. Le traumatisme des combats. La difficulté de retrouver une existence normale : en sommes-nous encore capable ?

Le Collier rouge est un petit livre simple mais tendre. L’atmosphère y est particulière. Chaude, pesante : une petite ville de province chauffée à blanc par un soleil de plomb. Tout y est langueur, nostalgie, hébétude. Souvenirs. L’heure du bilan. La fin d’une époque, ou le commencement d’une autre. Une transition entre un passé empli de violence et un avenir inconnu. Un texte fort bien écrit, une intrigue dévoilée peu à peu : la lumière se fait par petites touches au gré des conversations de deux hommes installés à l’ombre dans une fraicheur relative. Un livre qui se lit sans ennui ni avidité. Le lecteur se laisse porter.

Fort agréable !
BibliOrnitho
7
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le 15 janv. 2015

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BibliOrnitho

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