Le Commando des immortels par Nébal
Non, bien évidemment, ce Christophe Lambert-là n'a rien à voir avec le type un peu louche qui joue mal même quand il rigole, hin hin hin. Seul rapport éventuel (?), un certain goût pour les séries B voire Z, qui peut susciter le meilleur ici, et le pire là (ne suivez pas ce regard).
(Ça, c'est fait.)
(Pardon.)
Christophe Lambert, donc (le vrai), est un auteur français d'imaginaire, s'exerçant tantôt en jeunesse et tantôt en adulte (traduire par « grands enfants », nous parlons bien de science-fiction et de fantasy, après tout). Le Commando des Immortels est son dernier roman « adulte » (même si, honnêtement...), et repose sur un pitch que je qualifierais volontiers de joyeusement débile (sachant que c'est en ce qui me concerne un compliment vaguement synonyme d'improbable et réjouissant).
(J'abuse un peu des parenthèses, en ce moment.)
Nous sommes donc en pleine deuxième guerre mondiale, et le Japon enchaîne les victoires. Pour combattre les faces de prunes en Birmanie, un officier américain, Foster, lance une idée saugrenue. Il propose de former un commando spécialement dressé pour la guérilla, avec les meilleurs instructeurs et auxiliaires possibles : des Elfes. Oui, des Elfes. Car, dans ce monde-là, les Elfes existent, même si l'on n'en trouve plus guère que dans une réserve des Etats-Unis où ils ont repris le rôle des Indiens d'Amérique bien eud' chez nous. Les Elfes acceptent, mais à une condition : ils réclament la participation au commando d'un Angliche entre deux âges, grand connaisseur des Elfes et auteur de fictions les mettant en scène, un certain John Ronald Reuel Tolkien.
Eeeeeeeeeeeh oui.
Ledit Angliche accepte également, quand bien même il ne sait pas exactement ce qu'il fout là, et rejoint en Birmanie la petite troupe des Chindits. Le commando s'enfonce dans la jungle afin de commettre des actes de sabotage à même de faire fantasmer l'élite invisible de l'ultra-gauche, puisque impliquant à la fois des ponts, des trains, et plein de takatakatakatakatakatak.
Dans une postface, Christophe Lambert s'explique sur ses intentions et ses références, mais ce résumé ne manque déjà pas d'éveiller bon nombre de souvenirs. L'idée des Elfes intégrant l'armée américaine, ainsi, est reprise d'une anecdote authentique sur le rôle joué par des Indiens Navajos durant la guerre du Pacifique, étrange histoire dont John Woo a tiré le pathétique Windtalkers (inutile de s'attarder sur cette triste merde). On pense aussi au Pont de la rivière Kwaï, bien sûr, versions Pierre Boulle et plus encore David Lean. On pense à plein de films de guerre, qu'ils évoquent le second conflit mondial ou d'autres ultérieurs (Vietnam en tête, of course, de Platoon et Apocalypse Now aux films de commandos les plus improbables). Et d'autres choses encore : pour ma part, je n'ai pu m'empêcher de me rappeler mes plus tendres années bercées par le Péril Jaune et la lecture des premiers Buck Danny, période « Tigres volants »...
Sous cet angle, Christophe Lambert réussit parfaitement son coup. Son roman, s'il est riche en références, est par ailleurs très efficace, et se dévore en quelques heures comme une bonne série B. Les scènes d'action sont très bien menées, les personnages, quand bien même über-caricaturaux, sont vivants (avec une mention spéciale pour le demi-elfe alcoolique Cealendar), bref, ça coule tout seul. Le Commando des Immortels est un roman (de gare) de guerre très correct, qui saura efficacement divertir son lecteur.
Hélas, c'est sous l'angle « fantasy » que ça coince. Parce que, soyons franc : ces Elfes n'ont pas grand chose d'elfique. En fait, ils sont bel et bien des Indiens, à peu de choses près. Oui, certes, ils ont un archer d'élite, un guérisseur exceptionnel et un type qui cause avec les bébêtes, mais tout cela manque quand même foncièrement de magie. Quant à Tolkien, qui est alors en pleine rédaction du Seigneur des anneaux après avoir livré le « jeunesse » Bilbo le Hobbit (eh eh), il a beau être un personnage très sympathique et offrir à la fois un peu de burlesque par son côté déplacé et un peu d'émotion par ses réflexions sur l'écriture, son rapport aux Elfes et à sa famille, il n'en reste pas moins que, si lui se demande ce qu'il fout là, le lecteur aussi. Et « l'explication », honnêtement, ne m'a pas paru très convaincante, du moins sous cette forme (à être plus développée, elle aurait sans doute pu donner quelque chose de très intéressant). Du coup, quand la fantasy et les bébêtes bizarres débarquent véritablement dans le roman, dans les dernières pages, cela sonne un peu faux, et laisse relativement de marbre. Dommage...
Car Le Commando des Immortels donne ainsi un peu l'impression d'une fausse bonne idée, pas assez subtilement et adroitement exploitée pour emporter l'adhésion. Ce n'est donc pas un bon roman de fantasy, et on peut bien le dire « raté » sous cet angle. C'est par contre un roman de guerre tout ce qu'il y a de sympathique, que l'on lit sans s'ennuyer un seul instant. À bon entendeur...