Avec Le commerce des Allongés, Alain Mabanckou revient dans sa ville natale, Pointe-Noire, au Congo, et c'est l'assurance de voir surgir de nouveaux personnages hors-normes, enjolivés par le style délicieusement imagé de l'auteur. Le lieu central du roman est le cimetière de Frère-Lachaise, que tout oppose à celui dévolu aux riches, et le héros, prénommé Liwa, un jeune garçon, nouveau locataire des lieux, donc physiquement décédé, mais très avide de revenir auprès des vivants afin de venger sa mort, qu'il juge injuste. De la fantaisie et de l'humour, il y en a dans Le commerce des Allongés, ainsi que de la magie et du surnaturel, mais aussi une certaine gravité avec une volonté de souligner les inégalités sociales dans la société ponténégrine, qui se retrouvent d'ailleurs chez les défunts. Dans Le commerce des Allongés, la frontière est fort étroite entre les vivants et ceux qui ne le sont plus et ce n'est pas le moindre talent de Mabanckou que de nous guider dans cet entre deux équivoque. Si le sort de Liwa nous importe en priorité, l'auteur s'ingénie avec brio à ménager le suspense, en nous racontant les dernières heures du garçon ou ses funérailles, mais surtout les conversations qu'il entretient, en tant que "bleu" du cimetière, confronté aux souvenirs d'existence de nouveaux collègues de l'au-delà. Pour qui connait l'art de Mabanckou, Le commerce des Allongés ne représente pas une révélation et peut paraître plus sage (dans son écriture) que certains de ses romans précédents, mais il reste infiniment plaisant et inspiré.