Le Comte de Monte-Cristo est selon mon humble avis, le meilleur Dumas, et un des plus grands chefs-d'oeuvre de la littérature française. Oui, rien que ça.
Roman aussi passionnant qu'il est long, il a l'effet très rare de m'occuper l'esprit même quand je ne lis pas. Pour tout dire, il m'a obsédé pendant les deux semaines où je l'ai lu.
Etrangement, il n'est pas dénué de défauts, mais ils sont inhérents à son origine de feuilleton. On note régulièrement quelques incohérences géographiques et temporelles, que j'eusse aimé voir corrigées lors de la compilation des volumes. Mais peu importe en fait. Ces maigres défauts ne sont rien face à la maîtrise de Dumas de son sujet (écrire sur son temps, ça aide), les dialogues sont ce que Dumas a fait de mieux sur sa carrière, le rythme est haletant; l'ellipse sur la période orientale est fantastique et offre un mystère presque surnaturel qui donne soif d'en apprendre plus sur le comte. Ce faisant, le livre n'offre pas une seconde de répit, et l'ancrage dans la période troublée post-révolutionnaire donne une dimension épique à chacun des tableaux que parcourt Monte-Cristo.
Et que dire du personnage principal, absolument fascinant à tout point de vue. Misanthrope, manipulateur, assoiffé de vengeance, se prenant pour l'égal de Dieu, il réussit le tour de force à gagner, ou plutôt à ne jamais perdre, la sympathie du lecteur. Monte-Cristo préfigure le surhomme nietzschéen et les super-héros américains. Il fascine aussi bien les autres personnages que le lecteur. Malgré son caractère unique et ses épreuves passées, Monte-Cristo parvient à nous rappeler certains traits de notre propre caractère, et cela de manière universelle. Le personnage transcende sa condition humaine, comme il nous le rappelle à certains passages du livre. Mais même en développant un caractère aussi formidable que Monte-Cristo, Dumas n'a pas oublié de critiquer les moeurs de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, donnant aussi à son roman une valeur de pamphlet contre une aristocratie usée et dévoyée, et et donnant une vision désabusée du bonapartisme ayant trahi l'idéal républicain.