Le consentement ! Quand y a-t-il consentement ? De nos jours, on pourrait croire que cette notion est devenue plus claire, ‘meeto’ oblige. S’il n’y a pas de oui ferme, c’est non ! Est-ce que cela suffit ?
Avec son livre, Vanessa Springora nous répond non !
Bien sûr, il faut remettre le récit dans le contexte de son temps… Est-ce pour autant qu’il faut trouver ce contexte d’alors normal ? D’accord, il faut tenter de faire la part des choses puisque ce récit est, essentiellement, issu d’une seule source… Est-ce pour autant que le point de vue est suspect et doit être rejeté ? Evidemment, il faut s’interroger sur les influences et antécédents familiaux, la précocité sexuelle de l’enfant, le manque de réactions de la part de l’entourage, du monde scolaire, de la police… Est-ce pour autant qu’il n’y a pas eu d’âme d’enfant, d’adolescente, de jeune femme en souffrance ? L’erreur serait de lire ce livre pour son histoire, seulement avide d’en connaître le dénouement ou de le lire avec, pour seule préoccupation, l’envie de pointer tout ce qui pourrait apparaître suspect, vérité arrangée ou complaisance narcissique. Il ne faut lire ce livre, avec pudeur, que pour les questions qu’il pose à notre société, notre conscience.
Le Consentement est un livre dérangeant. On ne peut guère développer de sympathie pour aucun des personnages même si tout est écrit pour qu’on cloue au pilori un écrivain G, innommable, ogre pervers qui abuse des autres et s’en glorifie. Comme bien d’autres lecteurs, je suppose, j’ai eu envie de réclamer justice contre cette plume dévoyée, contre ces parents absents en tant que tels mais bien là pour accepter l’inacceptable, le viol de leur enfant. J’ai aussi eu envie de distribuer quelques bonnes paires de claques à V. pour la remettre à sa place, à hauteur de ses treize ans, la ramener à un peu de jugeotte, de raison ; la mettre devant sa réalité et la pousser à prendre la décision d’arrêter sa dérive, d’appeler à l’aide et de saisir les bouées lancées…
Mais l’essentiel n’est pas là. Le nœud de ce désastre, c’est la manipulation de mineure qui, plus est, est opérée par ‘un ami de la famille’ avec le consentement de l’entourage. Ce livre est un courageux travail de vulgarisation de ces mécanismes psychologiques utilisés par des mentors abusifs, des pseudo-directeurs de conscience, des adultes, parfois parents, incompétents. Tous, ils refusent d’ouvrir les yeux et d’assumer leur rôle éducatif qui est de conduire un enfant vers la liberté, l’autonomie et la joie ; tout le contraire de l’assujettissement, de la dépendance et de la souffrance.
Je ne sais si, avec le Consentement, une écrivaine est née. Ce n’est pas sur base d’un tel récit cathartique qu’on peut le dire. Si tant est qu’elle reprenne la plume avec, je le lui souhaite, des sujets moins douloureux pour elle-même, Vanessa Springora aura tout le loisir de nous convaincre de sa qualité d’écrivaine. Quoi qu’il en soit, ce livre restera une pierre sur le chemin d’interrogations et de réflexions que notre société doit mûrir. Comment déjouer les pièges d’une éducation permissive par abandon des responsabilités parentales ? Comment éduquer nos enfants à être eux-mêmes, à devenir objet de leur propre respect et à se développer dans un souci constant de la recherche d’une autonomie éclairée par la sagesse et la bienveillance d’une société qui respecte l’intimité tout en favorisant les contacts humains empreints du respect inconditionnel de chacun.
Ce sont toutes ces questions que soulève le livre de Vanessa Springora, celles-là et, bien sûr, l’incontournable question de la complaisance d’une opinion publique qui se nourrit encore trop souvent du glauque et s’aplatit devant les pseudo-mentors médiatisés à outrance.