Au-delà du témoignage à la fois fort, éclairant, lucide, et sans jamais donner l’impression que l’auteure s’apitoie sur son sort, ce livre de Vanessa Springora est un formidable éclairage sur l’évolution des mentalités, des mœurs au cours de ces dernières décennies dans le monde intellectuel français. On se rend compte une fois le plus combien le phénomène #metoo a pu avoir une influence et un retentissement dans la libération de la parole de beaucoup de femmes, dont certaines n’hésitent plus aujourd’hui à raconter leur passé, sous l’emprise de mâles pervers, à dire au grand jour le mal qu’ont pu faire certains hommes publiques après des femmes qui les entouraient.
Et à ce titre, le témoignage Vanessa Springora est un modèle du genre.
La manière avec laquelle elle raconte l’enfer qu’elle a vécu durant des années face à un prédateur sexuel, un pervers narcissique d’apparence si lisse et si inoffensif est tout à fait troublante et limpide.
Ce récit montre à quel point il y a longtemps eu une forme de déni, de tolérance vis-à-vis de pratiques sexuelles douteuses dans le monde médiatique ou intellectuel français, à une époque où au nom de la liberté on tolérait tout et surtout le pire comme dans le cas de Gabriel Matzneff, un auteur qui a longtemps eu pignon sur rue malgré le fait qu’il vantait ouvertement (notamment dans Les Moins de seize ans) les relations sexuelles avec des mineurs.
Un témoignage plus qu’un roman, écrit dans un style très direct, très cash, sans fioriture, pour dire l’essentiel, pour dénoncer la complaisance de ses proches et de sa mère en particulier, pour se libérer d’un poids du fantôme, d’un homme qui même des années après la fin de leur relation continuera à traquer V. à travers ses nombreuses lettres. Un livre nécessaire.
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