La couverture m’a happée, le titre m’a envoûtée et la quatrième de couverture m’a convaincue. Étrangement, j’adore les histoires où des villages sont noyés… Je ne pourrais pas vous expliquer concrètement pourquoi, mais j’aime ressentir tout le déchirement, la tristesse, la nostalgie et l’amour que les personnages éprouvent généralement pour ces lieux. Je crois que l’attachement à une terre et à un quotidien me parle spécialement ! Quoiqu’il en soit, Le Convoi de l’eau avait tout pour me plaire.
Le point qui m’a particulièrement plu dans ce roman est sans aucun doute l’ambiance. Je crois que les auteurs japonais ont réellement un don pour nous transporter dans un autre monde. Même lorsqu’il ne se passe pas grand chose dans l’histoire, on est complètement happé dans l’atmosphère qui ressort du livre. Dans Le Convoi de l’eau, on se retrouve plongé dans la nature profonde japonaise, au cœur des montagnes sauvages, éloignées des grandes villes. Des ouvriers sont envoyés là-bas afin de construire un barrage qui alimentera en électricité les villes aux alentours. Cependant, dans cette vallée reculée demeure un hameau isolé du monde, que l’on observe à travers les yeux d’un de ses hommes, au passé tourmenté. Le village semble vivre en dehors de la société depuis la nuit des temps et est en parfaite symbiose avec le reste de la vallée. Maison en bois, toit en chaume recouvert d’une épaisse mousse, chauffé et éclairé à l’ancienne, avec un fort respect aux ancêtres et à la nature de manière générale. Le reste de l’endroit apporte également son lot de mystères puisqu’il est entouré de montagnes et de bois denses et que l’humidité règne en reine. Tout cela donne une atmosphère mystique, presque spirituelle à l’endroit, effet qui sera encore davantage poussé avec les événements qui apparaîtront suite à la cohabitation avec les ouvriers et à l’exil forcé du village.
Cet environnement particulier entre directement en résonance avec le personnage que l’on suit. Ce protagoniste, dont on ignore le nom, a passé plusieurs années en prison pour le meurtre de sa femme. Il l’avait tuée de rage en la voyant dans leur lit avec un autre homme. Bien que le temps ait passé, on a l’impression qu’il lui reste encore un deuil à faire de cette nuit-là, vis-à-vis de ce que sa femme lui a fait et de ce qu’il a fait à cette dernière. Marqué par ce que le gardien lui avait dit en sortant de prison – « Puissiez-vous vivre des jours paisibles » -, notre héros cherche encore la paix intérieure. Et dans cette vallée justement, il se sentira bouleversé et intimement lié aux pratiques des villageois.
En effet, un événement particulier ravivera les lourds souvenirs et émotions de notre personnage principal : une jeune femme du hameau violée par l’un des ouvriers se pendra – ou sera pendue, on l’ignore – et laissée à l’air libre par son peuple pendant des mois, condamnant son corps à la moisissure. Cet écho à sa propre histoire sera renforcé par les préparatifs du hameau à quitter la montagne et qui rappelle une procession funéraire (D’ailleurs le titre du roman en japonais « Mizu no Sôretsu » se traduit littéralement par « procession funéraire de l’eau »). Tout comme à un enterrement, on se retrouve emballé dans une forme de recueillement et de respect envers cette femme pendue, ce village forcé à l’exil, mais aussi vis-à-vis du noir passé de notre conteur.
Je trouve que l’histoire du héros n’est pas plus intéressante que cela. D’après moi, elle crée davantage un lien entre le hameau et le lecteur afin que ce dernier ressente une foule de sentiments. Ce sont l’endroit et les pratiques des villageois dont on se souviendra au terme de la lecture. Attachement à la nature et aux âmes des ancêtres, détachement vis-à-vis de la terre et des objets, le hameau rappelle plusieurs enseignements du bouddhisme et shintoïsme, les deux pratiques spirituelles les plus répandues au Japon. En contraste de cet endroit, on ressent toute la froideur, la superficialité et le non-respect qui émanent du monde moderne par le biais des chefs de projet et des ouvriers. Le Convoi de l’eau nous pousse plus d’une fois à revoir nos valeurs de la vie, d’ailleurs la question du pardon prend également une grande place dans ce roman.
Plus qu’un poème ou une ode à la nature, j’ai davantage eu l’impression de regarder une peinture. Après la lecture du Convoi de l’eau, il ne persiste en moi qu’une série d’images telles des estampes japonaises. D’une simplicité exquise, on se laisse toucher par les phénomènes naturels et la spiritualité qui se dégagent de cet endroit, caché au fin fond du monde. La plume d’Akira Yoshimura m’a réellement transportée et m’a permis de ressentir un immense calme intérieur.
Plus qu’un simple livre à lire, Le Convoi de l’eau est un livre à ressentir. Les mots manquent pour exprimer d’ailleurs à quel point j’ai aimé cette oeuvre. La seule chose que je peux dire, c’est que je la conseille à tout ceux qui aiment se laisser porter par des ambiances plutôt que par des scénarios.
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