Un convoi d'ouvriers s'enfonce dans les forêts montagneuses du Japon afin de préparer le chantier d'un immense barrage hydraulique. C'est une vallée embrumée, quasiment inexplorée, qui sera immergée sous l'eau du barrage. Et le petit hameau reclus de toute civilisation qui y est installé depuis des générations, est condamné. Le narrateur est l'un des ouvriers, un peu en retrait qui observe simplement le déroulement de cette rencontre entre la civilisation, brutale, et ce village millénaire.
C'est un roman court, une écriture simple, un récit tout en images contemplatives de cette nature fraiche et inviolée. Le déroulement est calme et fluide et se construit autour de la fascination inquiète que l'on nourrit concernant le hameau. On retrouve, comme souvent dans la bonne littérature japonaise, un tableau, des situations et des personnages dénués de manichéisme, des thématiques qui se dessinent en filigranes au long de la lecture, une poésie faite de simplicité, et une imagerie à la fois fascinante et surprenante. Surprenante car elle ne verse finalement jamais dans les clichés mystiques que l'on aime fantasmer sur le Japon, parce que le déroulement des évènements a toujours un je-ne-sais-quoi d'imprévisible pour l'imaginaire occidental, bien loin des stéréotypes exotiques que l'on nous matraque à longueur de temps.
Les habitués de Yoshimura (malgré le peu de romans traduits) retrouveront aussi sa poétique crue et morbide pleine de subtilités.
La traduction française est brillante et naturelle, elle sert le récit et l'auteur en toute discrétion.