"Le convoi de l'eau" d'Akira Yoshimura m'a été conseillé par ma libraire à qui j'ai timidement demandé de me faire découvrir un livre de poche qu'elle avait appréciée. Le choix d'un auteur japonais m'a plu. Il faut dire que, jusqu'ici, mes seuls excursions dans la littérature du pays du soleil levant se limitaient à l'apprécié "Kyoto" de Yasunari Kawabata et le contesté "Kafka sur le rivage" d'Haruki Murakami. J'étais donc particulièrement réceptif à affiner mon appréciation sur l'art de la narration japonaise. De plus, la couverture particulièrement apaisante se mariait bien avec le lyrisme que me vantait ma chère petite marchande de prose, pour reprendre (et il me l'excusera) un titre de Daniel Pennac.
Le roman est plutôt court, un peu moins de 200 pages, ce qui a toujours pour effet de m'inquiéter un peu. J'ai toujours le mauvais pressentiment que des raccourcis malheureux viendront détruire la qualité de l'oeuvre picturale de l'écrivain. Mais l'atmosphère de cette vallée perdue et humide, plongée dans le brouillard, s'est vite imposée à moi au fil des premières pages. Ensuite, le passé du personnage principal s'est présenté de façon abrupte, nous ramenant d'un paysage vaporeux, dont les traits sont difficilement délimités, à une réalité plus concrète, un passé plus présent, moins enveloppé de mystère, au contraire du hameau qui se fond dans cette végétation. Cela m'a d'abord déplu. J'aurais voulu que le passé du héros soit aussi jeté dans le flou, qu'on ne sache pas vraiment ce qui l'a amené à rejoindre cet équipe d'ouvriers chargés de construire un barrage. Mais finalement, j'ai compris. J'ai compris que la vie plus pragmatique des ouvriers s'opposait aux tâches mystérieuses des gens du hameau. J'ai compris que devant cette population qui fait partie de cette vallée, comme une fougère s'incruste à un rocher, apparaissait l'homme civilisé qui domine cette nature, qui domine sa nature. Et notre héros représente une sorte de lien entre ces deux mondes, lui dont le passé l'a conduit à fuir le monde moderne, le monde de la lumière, pour aller dans l'abysse de cette vallée oubliée de tous.
Je ne peux que conseiller, à la suite de ma libraire éclaireuse, ce petit livre.