Paye ton rire
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le 7 avr. 2022
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"Le coût de la virilité" de Lucile Peytavin est un ouvrage qui ne manque pas d'audace, abordant un sujet souvent tabou : la surreprésentation masculine dans les comportements asociaux et violents, et son coût pour la société. L'autrice, historienne et membre du Laboratoire de l'égalité, nous livre une analyse provocante -et parfois biaisée- mais nécessaire des conséquences de ce qu'elle nomme la "virilité érigée en idéologie culturelle dominante".
D'emblée, le titre accrocheur interpelle et annonce la couleur : Peytavin entend quantifier financièrement l'impact de certains comportements majoritairement masculins. L'approche est originale et mérite qu'on s'y attarde. En s'appuyant sur des statistiques frappantes - 84% des auteurs d'accidents de la route mortels sont des hommes, 97% des auteurs de violences sexuelles également, entre autres chiffres édifiants- l'autrice dresse un tableau sans concession de la réalité française en 2024. À ce propos, on regrettera le manque d'ampleur international de l'ouvrage, principalement focalisé sur la France, alors que plus de comparaison avec d'autres pays auraient permis d'universaliser davantage son propos.
Si le rejet des fondements scientifiques du virilisme est parfois un peu bancal (notamment concernant les extrapolation de l'autrice sur le paléolithique et le néolithique), l'un des points forts de l'ouvrage réside dans son analyse des différences éducatives entre filles et garçons. Peytavin met en lumière les biais cognitifs et les idées reçues sur les caractères masculin et féminin, soulignant à juste titre le caractère principalement culturel de ces différences (d'autres auteurs, hommes comme femmes, se sont déjà penchés sur ce sujet par le passé). Sa démonstration du lien entre la promotion du virilisme et la violence est plutôt convaincante et bien étayée. A grand renfort de chiffres et d'études (qu'elle a le bon goût de référencer sans les développer dans le corps du texte), elle balaie les arguments pseudo-scientifiques qui voudraient justifier le virilisme par des causes naturelles, (génétiques ou hormonales) et présente les raisons réelles -et culturelles- qui conduisent les hommes à majoritairement se sentir tout-puissants, égoïstes ou violents. On serait de mauvaise foi de ne pas reconnaître un parent, un ami, une connaissance (ou soi-même !) dans les travers qu'elle souligne.
Cependant, l'ouvrage n'est pas exempt de faiblesses. La définition initiale de la "virilité" proposée par Peytavin apparaît notamment parcellaire et subjective, ce qui fragilise certaines de ses conclusions. De plus, les estimations chiffrées, bien qu'assumées comme approximatives par l'autrice, manquent parfois de rigueur scientifique et s'avèrent souvent à charge et sans nuance. On peut également regretter que l'autrice tranche de manière un peu arbitraire sur le lien direct entre le surcoût masculin qu'elle dégage et la promotion du virilisme, sans explorer (ou assumer) suffisamment d'autres facteurs potentiels.
Malgré ces réserves, "Le coût de la virilité" reste un ouvrage stimulant qui a le mérite de poser des questions essentielles sur notre société. En pointant du doigt le caractère très masculin de la violence et en tentant d'en chiffrer les conséquences, Peytavin ouvre un débat nécessaire. Les quelques réactions outrées que suscite ce livre, notamment chez certains lecteurs masculins, semblent indiquer que l'autrice touche un point sensible de notre construction sociale. Les critiques scandalisées et excessives que l'on retrouve sur Sens Critique sont à ce titre assez symptomatiques.
Il est rafraîchissant de voir une autrice oser remettre en question des comportements trop souvent considérés comme "naturels" ou "inévitables". Que l'on adhère ou non à toutes ses conclusions, empreintes d'un surprenant idéalisme (d'aucun dirait de naïveté), force est de constater que Peytavin nous invite à une réflexion salutaire sur les conséquences concrètes de certains stéréotypes de genre.
En définitive, "Le coût de la virilité" est un livre imparfait, mais utile et salutaire. Il constitue une contribution abordable et utile au débat sur l'égalité des sexes et les conséquences sociétales des normes de genre. Ce livre apporte ainsi un éclairage original, nous invitant à repenser nos présupposés sur la masculinité et ses expressions dans l'espace public. Beaucoup d'hommes ne sont probablement pas encore suffisamment mûrs pour s'y frotter, pour les autres ce peur être une intéressante remise en question. J'ai notamment eu la surprise de voir mon père se plonger dedans et en sortir secoué, ce qui n'était pas gagné pour celui qui me sortait gamin un certain nombre de poncifs sur la supposée virilité à laquelle nosu devions aspirer ! Comme quoi l'éducation à l'empathie et à la remise en question de ses présupposés peut fonctionner et ce à n'importe quel âge !
Créée
le 2 oct. 2024
Critique lue 14 fois
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