Guilluy fait parti du vertueux cercle des penseurs néo-fascistes auquel nous pouvons ajouter Michéa et Onfray, voir même (allez j'ose) Soral, dont la simple évocation du nom fera convulser le premier gauchiste venu. Autant dire qu'il n'en fallait pas plus pour attiser ma curiosité.
Déjà avec la France périphérique, Guilluy posait un concept et un constat intéressant. Pour faire simple, il évoque une scission entre la France métropolitaine (les grandes villes, comme Paris) et la France périphérique, villes plus modestes et villages perdus dans le troufion de la cambrousse. La France métropolitaine est la grande gagnante de la mondialisation tandis que la France périphérique, majoritaire, est la grande perdante. Son concept étant développé et argumenté dans La France périphérique, ici, dans Le Crépuscule de la France d'en haut, sans véritablement ajouter quelque chose de plus, il rajoute une couche à son concept. En quelque sorte, La France périphérique était la démonstration technique et le Crépuscule est un apport théorique, plus philosophique.
Difficile à la lecture de ce livre, de ne pas penser aux Gilets Jaunes, beaucoup ont déjà fait le rapprochement, mais ce qu'il a décrit en 2016 semble s'être confirmé dès novembre 2018, dans les grandes lignes. Avec les thèses de Guilluy en tête, pas étonnant que le détonateur fut la hausse du prix de l'essence.
On retrouve donc ce qui sépare le monde métropolitain du monde dit populaire. Les grandes métropoles concentrent la richesse, la culture, les emplois, et en découle une classe privilégiée qui profite des bienfaits de la mondialisation et qui chante à qui veut bien l'entendre que la mondialisation s'est trop méga-cool. À l'inverse des petites villes ou des villages où l'emploi se meurt, et la situation globalement plus précaire poussant la population vers l’abstention, un monde rendu invisible qui s'est fait exclure du jeu de la mondialisation avec le temps.
La critique de la mondialisation est assez identique à celle que produit Michéa, deux lectures complémentaires, c'est-à-dire, une critique qui concerne plutôt le libéralisme (au sens de Michéa) de la gauche. Sous couvert d'ouverture, de bien-pensance, de Refugees Welcome et autres marottes sociétales, les questions sociales sont évincées. La même chose se passe à droite; sous couvert de conservatisme et de plaire à quelques blancs, quelques whites, quelques blancos, c'est toujours la même ritournelle mondialiste qui se joue en arrière-fond. L'économie mondiale apporte dans ses bagages une culture et un mode de fonctionnement avec elle; c'est un système qui fonctionne en bloc et on ne peut pas avoir le beurre sans le cul de la laitière qui va avec. En l’occurrence, le mondialisme attire les gagnants en métropole et les classes populaires sont relégués dans la France périphérique. Ce qui a le mérite d'expliquer pas mal de choses : le prix des appartements en métropole est impayable aux quidams et les plus pauvres se voient contraint d'abandonner le navire ou de vivre dans les quartiers sociaux, favorisant de fait l'entre-soi des classes dirigeantes ; des microcosmes où ''fils et filles de'' se côtoient et sont privilégiés parce que papa peut payer un loyer et un studio à Paris, écho aux héritiers de Bourdieu.
Trois choses m'ont particulièrement plu dans ce livre ; le passage où Guilluy répond à un journaliste du Monde qui remettait en cause son concept de France périphérique. Evidemment, un concept gagne en force quand il est attaqué puis défendu; Guilluy le défend bien et de façon plutôt convaincante me semble-t-il. La seconde est cette phrase ''Contrairement à ce que croit la classe dominante, ce ne sont pas les idées qui mènent prioritairement le monde mais le quotidien.'' chose dont je suis convaincu depuis longtemps et qu'il est bon de voir rappeler de temps à autre. Et enfin les cartes dont Guilluy nous donne sa lecture, pertinente à mon sens.
Guilluy ne livre pas la parole messianique, loin de là. Certaines de ses affirmations semblent peu argumentées, et grossièrement découpées à la hache. La mondialisation semble n'être profitable qu'à cette nouvelle bourgeoisie; la réalité est je pense plus nuancée et devrait se mesurer avec des plus et des moins (sans dire non plus que les classes populaires gagnent plus qu'ils ne perdent avec ce système). Aussi, on pourrait reprocher cette distinction entre bourgeoisie et peuple. Pour ma part, je pense que cette distinction fait sens, mais j'entends aussi l'argument contraire. Du reste, il faut noter tout de même que le travail de Guilluy est de remettre sur scène cette population trop souvent occultée et ça c'est plus que louable. D'autant plus qu'à l'étranger, ce que l'on entend de la France provient essentiellement de la télé ou du YouTube parisien...