« Le dormeur doit se réveiller ! ... monsieur, s'il vous plaît, on va fermer le cinéma ! »

Denis Villeneuve, ou, devrait-on dire, Denis Vieilleville (huhu) tant il semble s’attarder à des projets qu’on aurait dû laisser reposer en paix dans les années 80, après un Blade Runner 2049 sympatoche s’attaque à un autre monument de la SF, Dune. Et si j’ai eu apprécié BR2049, les réserves que je pouvais émettre face au remakesuite du monument de ce brave Ridley m’ont fait tilt dès les premières minutes de Dune et j’ai pas réussi à lâcher prise durant le métrage. Arrivé sur SC, voyant le score de dictateur africain que se paie le Dune de Villeneuve, je me suis dit qu’une fois n’était pas coutume, et que je pouvais me payer le luxe d’une certaine mauvaise foi.


Commençons par les bons côtés de Dune version 2021. Premièrement, la photographie est impeccable. Franchement, Dune est un beau film (très net et très beau comme dirait l’autre !). Il se permet d’avoir une petite identité visuelle pas vilaine. Certains plans sont particulièrement jolis (je pense notamment à ce type qui débarque sur Arrakis en jouant de la cornemuse, assez flamboyante comme arrivée). La musique est également très belle et assez bien utilisée dans les moments clés, même si elle n'est guère marquante ; sons et images se coordonnent parfaitement pour rendre à cet univers une crédibilité somme toute bien jaugée et vraiment efficace. La direction artistique derrière le projet n’a pas chômé (admirez donc ces vaisseaux qui battent des ailes !).


Globalement, si vous appréciez la SF ou, si comme moi vous avez le film de Lynch en sympathie (quid du livre ? je ne saurais dire pour le moment j'ai autre chose à lire), Dune se laisse regarder et on ne boude pas son plaisir à laisser trainer sa rétine sur quelques détails bien fournis que l’image recèle et qui font la force du film. Disney peut bien aller caquer avec ses remakes à la mords-moi-l ’nœud, Villeneuve a fait des efforts pour ne pas prendre son public pour des cons (ou plutôt, des aveugles, des cons peut-être un peu) et ça se voit (huhux2).


Mais…


1) Je ne peux définitivement pas piffrer Timothée Chalamet. Il a un charisme d’huître, c’est juste pas possible et même en rôle d’huître il ne me semblerait aucunement crédible. Je le vois plutôt faire du mannequinat pour La Redoute ou un truc du genre. Jouer la comédie avec sa monoexpresisonfaciale me semble trop complexe et m'est aucunement agréable. De là découle un autre problème ; le casting est chouette (hormis Timothée) mais aucun personnage n'est vraiment attachant. Typiquement, le personnage de Duncan, campé par un Jason Momoa au visage renfrogné, l'ami de Paul, a peut-être plus de présence que dans le film de Lynch mais la relation entre Paul et Duncan reste au même stade et n'est pas davantage creusée, ce qui est dommage. Quitte à prendre le temps, autant le prendre pour améliorer certaines choses.


2) Dune de Villeneuve se veut tellement épique qu’il oublie de l’être. Et ça c'est très grave.


3) Le rythme du film qui est plutôt agréable à suivre dans sa première partie qui présente les personnages et les enjeux puis s’éternise dans sa seconde moitié où il ne se passe pas grand-chose pour ne pas dire qu’il ne se passe rien... Dune reprend peu ou proue la même structure narrative que le film de Lynch, un remake en somme. Alors qu’en moins de temps le film de Lynch (imparfait soyons bien clair) finit l’arc narratif de Paul Atréides, Dune21 s’arrête quand Paul découvre la Force. Soit. Il faut donc attendre le second volet pour voir Timothée Chalamet devenir badass et botter des culs (on se réjouit de voir la transformation du personnage sur le visage de cet acteur accompli). Pourtant, en 2h35, le film de Villeneuve ne m’a pas semblé approfondir davantage les personnages ou l’univers que posait Lynch. Les enjeux sont identiques autant du point de vue du personnage que de l’univers (contrôle de les pisses, complots politiques, et Lus en tout genre… et encore, la Fédération du Commerce de Star Wars I était plus présente). Peut-être les ajouts comme l’idée de transformer Arrakis en havre de paix vert façon Total Recall seront plus développé dans la suite, en attendant, on se trouve face à un film de 2h35 qui est inutilement lent pour ne rien dire et pour ne pas montrer grand-chose.


4) La direction artistique est jolie, certes (non mais admirez donc ces vaisseaux qui battent des ailes !). Est-elle marquante pour autant ? J’ai pas eu cette impression. Elle fait le café mais en terme de SF, elle ne vaut pas celle d’un Ad Astra dont certains visuels marquent l’esprit au fer rouge, et surtout, en comparaison malheureuse, elle vaut moins que la direction artistique de la version de Lynch qui était ce qu’elle était mais qui, dans son rendu tellement étrange, bizarre et presque fauché avec ses mythiques boucliers cubiques oranges, arrivait à se forger une originalité très marquante. Le Dune de Villeneuve est joli, trop joli, trop lisse à mon goût, il manque de contrastes, de vie, de folie. C’est beau mais c’est fade. Ce qui nous amène au principal problème du film…


4a) Que nous apporte la version de Villeneuve par rapport à ce que nous avions déjà à nous mettre sous la rétine avec Lynch ? Pas grand-chose j’ai l’impression. On se retrouve face à un blockbuster agréable à voir, qui prend (vraiment) son temps pour poser son univers mais qui, finalement, n’en dit pas plus, n’en montre pas plus et dure plus de temps que la version de 1984… Par conséquent, cela devient parfaitement oubliable puisqu’on se fait chier une moitié de film et qu’on en a déjà vu plus avant. En somme, il me semble que Dune souffre des mêmes problèmes que It version 2017, ou que Blade Runner 2049 pour rester sur le même réal. Tous ces films sont sympathiques à voir et ont beaucoup de qualités qui peuvent surpasser l’original en certains points. Mais si je peux volontiers me refaire Dune de Lynch ou Blade Runner de Scott, les remakes de Villeneuve ne me donnent pas envie de les revoir. Trop long, trop chiant et pas assez neuf et surtout il manque une âme. On passe un bon moment mais ils ne sont pas marquants et ce sont un peu comme un plan cul qui fait l’étoile de mer. C'est cool mais c'est pas intense, et finalement, on en retire pas grand-chose. Et c’est triste à dire mais je pense qu’en l’an 10191, quand on parlera de Dune au ciné, on se souviendra surtout d’Harkonnen roux, et non chauves.

Ji_Hem_
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le 22 sept. 2021

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