- Je fais des rêves. Sur une fille d'Arrakis. J'ignore ce que ça signifie.
- Les rêves font de belles histoires. Ce qui compte c'est quand on est éveillé. Dis donc, tu as pris du muscle.
- Ah oui ?
- Non.
Avec Dune, je démarre quasiment sur une page blanche. Je n'ai jamais eu l'occasion de lire les romans de Frank Herbert, ni de jouer au jeu vidéo culte, et de la version cinématographique de David Lynch je n'ai vu que la première moitié lorsque j'étais enfant, c'est pour dire à quel point je suis arrivé devant l'écran avec une idée proche du zéro sur ce qui m'attendait. Une œuvre que j'ai vu avec une petite inquiétude venant d'une éventuelle difficulté de compréhension par rapport au support papier qui finalement ne s'est jamais posée. En définitive, je suis ressorti de ma séance complètement bluffée par le spectacle proposé. Je ne suis peut-être pas le mieux à même à parler de ce film ne connaissant rien d'autres se rapportant à cet univers mais pour autant : j'ai des choses à dire ! Dune de Denis Villeneuve est-il fidèle aux romans ? Je n'en sais rien, et ce n'est pas ce qui m'intéresse ici. Je jugerai le film pour ce qu'il est, et non pas pour ce qu'il devrait être.
Place à ma critique et sans spoiler !
Dune réserve beaucoup de surprises par le biais d'une histoire minutieuse qui se concentre avant tout sur la situation politique de son environnement. Un récit d'ampleur aux échanges politiques et géopolitiques extrêmement intéressants et tendus qui posent un cadre clair sur les difficultés de ce monde qui ne sont pas sans rappeler les nôtres sur certains éléments. Un regard neuf et brillant régissant tout une société, un système, autour d'un microcosme géré par un ordre impériale. Le récit est complexe, profond, sombre et mature, traitant de véritables enjeux autour d'un concept riche en petits détails qui ont, ou auront, leurs importances. Le rythme est lent mais jamais ennuyant afin de poser une intrigue qui prend avant tout son temps dans le développement des personnages et dans la structuration de son cadre.
Dune est un film intelligent savamment élaboré qui construit pièce par pièce une histoire authentique, un contraste passionnant, et des personnages émotionnellement saisissants. Denis Villeneuve pose morceau par morceau les pièces d'un puzzle géant qui façonne un véritable univers sacrément solide qui pour rappel n'est que la première partie des aventures de Dune. Une première partie finement maîtrisée dans son écriture et magistralement orchestrée dans sa réalisation qui pose là un socle suffisamment robuste pour accueillir toute une saga. Un spectacle pas facile d'accès qui se mérite autour d'un premier film qui est l'annoncement de quelque chose de grandiose à venir.
Le fan lambda de ''blockbuster familial'' y trouvera difficilement son compte : pas d'humour, sachant que s'il espère trouver en compensation un gigantesque film d'action il n'en n'est rien. Dune est un film d'auteur à gros budget qui laisse apparaître un peu d'espoir dans un décor cinématographique qui aujourd'hui fait surtout la part belle au spectacle facile. Warner Bros frappe fort !
L'action ne s'installe jamais durablement par un enchaînement constant, préférant avant tout s'illustrer sur de cours moments brillamment réalisés avec une séquence majeure dans une bataille épique. Des confrontations à vaisseaux spectaculaires magnifiquement illustrées sous une tension d'invasion et d'éradication palpable. La structure des affrontements est solide grâce à une architecture de l'action intelligemment entretenue par des effets complètement dingues qui sont sublimés par un travail surprenant sur l'ensemble des détails entourant les vaisseaux spatiaux, les décors, et les costumes dans un nouveau monde aride, agressif et déstabilisant. Les créatures gigantesques sont visuellement bluffantes ! Des vers géants nageant dans des étendus de sables infinis qui m'ont scotché sur mon écran. Un cadre à part habilement orchester à l'origine d'une atmosphère unique qui s'ajoute à la structure sensationnelle de cet univers décidément dense et complexe. Il n'y a finalement que sur la fin que je suis resté sur ma faim par manque de conclusion et de panache dans la finalité, et surtout je voulais tellement savoir ce qu'il allait advenir, mais ceci viendra dans les films suivants, et vivement !
Ma planète, Arrakis, est si belle quand le soleil est bas. Tourbillonnant sur le sable, l'épice forme un léger brouillard.
Denis Villeneuve est un véritable maître de l'imagerie avec des plans vastes profondément stupéfiants : quelques fois au détriment de son histoire mais ici le jonglage est parfaitement synchronisé. Les plans du cinéaste sont ambitieux avec des effets magistraux via des images obsédantes. La photographie est fabuleuse et constitue l’une des plus belles œuvres de ces dernières années. Le travail effectué est sublime avec une caméra millimétrée toujours à la recherche d’un angle intelligent qui souligne la fluidité du contraste et des mouvements. Un travail méticuleux qui en ferait presque peur. Le génial compositeur '' Hans Zimmer '' livre une composition musicale monumentale avec des tonalités organiques à l'origine d'une véritable ambiance musicale qui colle le frisson. Une identité sonore orgasmique. Zimmer, qui plus concerné que jamais aura mis de sa personne en grand fan du roman de Dune qu'il est, sachant qu'il sera allé jusqu'à refuser de travailler avec son cinéaste fétiche Christopher Nolan pour Tenet (2020) afin de pouvoir travailler sur ce film. La passion le guide et ça se ressent avec ses nombreux titres percutants qui marquent la composition musicale de l'année 2021. Pas le meilleur travail du compositeur, mais un grand travail malgré tout.
Avec son casting aussi gigantesque qu'impressionnant Dune frappe fort, très fort. Villeneuve offre un véritable caviar à ses comédiens en proposant des personnages généreusement développés offrant une véritable profondeur mélancolique à l'ensemble des protagonistes et antagonistes qui sont désabusés et conditionnés par un espoir fait de désillusions. Espoir pourtant nécessaire pour ne pas sombrer. C'est difficile de juger l'ensemble de la distribution autrement que positivement tant les comédiens sont convaincants et parfaitement dirigés. Je vais commencer par mon chouchou avec Jason Momoa qui excelle dans le rôle de Duncan Idaho, le mentor par excellence. Un personnage secondaire mais qui aura son importance en tant que figure tragique et sacrificielle au même titre que la plupart des personnages.
Timothy Chalamet en tant Paul Atreides est stratosphérique, loin de la figure caricaturale du héros par excellence à qui tout réussi. Atreides se révèle vulnérable et se présente comme une figure en constante évolution. J'adore la mouvance poétique autour de la symbolisation de ce personnage auquel le comédien rends parfaitement gloire avec un jeu subtil loin de ce qu'on a l'habitude de voir. Rebecca Ferguson dans le rôle de Lady Jessica Atreides est magnifique ! Elle offre un duo solide à Atreides qui n'est autre que son fils. Les nombreux plans rendent gloires à sa beauté à travers des tenues grandioses qui en font une véritable divinité. L'amertume profonde dont elle est affublée de par son pouvoir psychique est émotionnellement difficile à porter tant ça la lie très fortement à son fils et son mari. J'aime beaucoup cette comédienne que j'ai découverte dans Mission Impossible pour la première fois et qui ne cesse depuis de me surprendre. J'espère qu'elle survivra tout au long de la saga car c'est un personnage que je me fais un véritable plaisir de retrouver.
Oscar Isaac pour Leto Astreid est charismatique. C'est un père responsable, un mari (bien que pas marié) attentionné, un Roi juste et estimé, en clair un véritable patriarche qui malheureusement va subir l'ensemble des événements dans une posture défavorisante dans laquelle il se sais condamné en rejoignant la planète des sables. Que ce soit Stellan Skarsgard, Josh Brolin, Dave Bautista, Javier Bardem... tous s'illustrent parfaitement dans des rôles plus ou moins importants qui ne se posent pas comme des figures shakespearienne qui en ferait des tonnes d'un point de vue dramatiques, c'est beaucoup plus subtil et nuancée que ça. Seule la performance de Zendaya m'a laissé un peu dubitatif certainement dû à son manque d'utilisation. Mais je ne doute pas que dans les prochains films elle va parfaitement se démarquer. Une belle panoplie de personnages que j'ai hâte de retrouver dans la suite des aventures de Dune qui va faire à présent partie de mes plus grandes attentes cinématographiques. Bien joué Denis Villeneuve qui se sera servi de l'ensemble de ses œuvres précédentes comme d'un tremplin pour accéder à ce film qui doit certainement représenter son Saint Graal : son joyau parmi tous les joyaux.
CONCLUSION :
Denis Villeneuve marque avec Dune tout un pan de la science-fiction en proposant un contrepied aride merveilleux et spectaculaire aux blockbusters qui pullulent le système hollywoodien. Villeneuve s’emploie à développer un univers d'une richesse phénoménale qui n'est pas passé loin du sans faute en révolutionnant les codes narratifs et esthétiques tirés du roman de Frank Herbert. Un premier film à la hauteur qui pose les bases d'une nouvelle saga à la mouvance tragique et spirituelle.
Un blockbuster d'auteur captivant, saisissant et bluffant !
- Père, et si je n'étais pas l'avenir de la maison Atreides ?
- Un grand homme ne cherche pas à diriger. Il est appelé à le faire.