S'il y a bien un domaine dans lequel je ne m'attendais pas à croiser Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski, c'est bien celui de l'absurde et du burlesque ! Là où je suis accoutumée à voir briller Gogol, j'ai donc été surprise de découvrir l'auteur de "Crime et châtiment" et ce n'est sans doute pas un hasard si en lisant cette incroyable (et improbable) histoire de fonctionnaire vivant dans un crocodile, j'ai très souvent songé au "Journal d'un fou" dudit Gogol.
Oui, oui, vous avez bien lu, ce récit nous narre comment un fonctionnaire, Ivan Matveïtch - venu avec sa femme et un ami assouvir sa curiosité au spectacle d'un énorme crocodile (ça change des ours) produit en plein Petersbourg - est dévoré par le saurien et s'installe confortablement dans les entrailles du monstre. Aux cris de la foule, de sa femme, de l'ami et du propriétaire du crocodile, répond la calme résignation d'Ivan Matveïtch qui voit dans cette circonstance une heureuse opportunité de booster sa carrière, d'une part par le sensationnel de la chose, et d'autre part par l'étude approfondie qu'il peut ainsi mener sur la gent reptilienne.
Vous aurez compris que Dostoïevski se sert de cette farce pour disséquer non pas le crocodile mais la nature humaine, pointant du doigt ses nombreuses contradictions, son ridicule, sa vanité et son égoïsme. Les réactions qui découlent de cette situation atypique ont de quoi surprendre le lecteur et heurter le bon sens. De sa plume exceptionnelle, Dostoïevski brosse notamment un tableau cynique de l'administration et de la vénalité.
Même si ce court récit - resté inachevé - ne manque ni de mordant ni d'originalité, mon intérêt n'y aura pas complètement adhéré.