Y a pas débat...

Effectivement, y a pas débat.

Dans ma critique du premier tome, je m'étais posé la question si on avait entre les mains la fondation laborieuse d'un monument de la littérature, ou bien si on avait droit à un tas de cailloux savamment agencés. Cette trilogie du chevalier aux épines est donc un gros tas de cailloux. Stylé, le tas de cailloux, ça, on peut pas dire le contraire, mais c'est un tas de cailloux quand même.

On ne peut pas critiquer négativement la plume de Jean-Philippe Jaworski, on doit constater la qualité d'écriture, la profondeur du vocabulaire et la richesse des descriptions. Quoique, on a droit a des répétitions particulièrement désagréables. De mon point de vue, on ne peut pas se permettre de répéter plusieurs fois des mots d'argot ou des mots techniques car ce sont des mots qui accrochent l'oeil et l'attention, et la répétition va tout de suite sonner comme une fausse note qui sort le lecteur du récit. Et je pense par exemple aux nombreuses occurrences de l'expression "à la brune" qui me dérangent énormément (je suis une petite nature hypersensible). Sinon, c'est tout, y a rien à dire sur la technique, c'est limpide.

Autre bon point, à l'inverse des deux tomes précédents, je ne me suis pas ennuyé. L'unité du récit est respectée, il y a un début et une fin, le fil de l'intrigue est déroulé de façon parfaitement académique, il n'y a pas de surprise dans la structuration du récit, ça file droit du début à la fin.

Donc, clairement, qu'est-ce que je n'ai pas aimé?

Ben, à la vérité, j'aime pas cette trilogie.

Je l'aime pas parce que j'ai l'impression d'être pris pour un imbécile. Je suis face à une copie de premier de la classe qui la joue facile et qui recycle ses thèmes.

Le rapprochement est vite fait entre Naimes et Sumarios. Les dernières lignes du roman sont identiques à celles du Confident de Janua vera. Et on a bien trop de descriptions qui me donnent l'impression d'être là pour meubler.

Il y a bien trop d'éléments qui nous sortent du récit, et à force, qui lui enlèvent tout intérêt, et on n'éprouve absolument aucun attachement pour les personnages. Le roman, dans son ensemble, est froid et inintéressant. Les personnages, quant à eux, sont vides.

Comment expliquer mon sentiment? Les ingrédients sont bons, le coup de main est là, mais le plat est insipide. Habituellement, je suis lent à démarrer les bouquins, et je les dévore sur la fin. Là, c'est l'inverse, les derniers chapitres, j'ai du mettre trois jours à les lire.

J'aime Jaworski car il crée des personnages. Il sait bâtir des gueules riches et profondes, des gens qu'on va croiser deux ou trois fois, mais qui vont nous accrocher et rester dans notre tête : au hasard, Anoeth, Welf, Troxo, Satobogios. Des personnages très secondaires, périphériques, mais parfaitement décrits, parfaitement créés, totalement réalistes.

Dans toute la trilogie du chevalier aux épines, mis à part le personnage principal et son entourage proche, les autres sont vides, et toutes les intrigues qui leur sont liées sont inintéressantes.

On est face à une trilogie ratée. Ca arrive. J'ai de la peine à dire que je me suis mis à rire à la toute fin du roman, tellement j'étais déconnecté et réfractaire aux tours de passe passe de cette histoire. C'est triste, quand même. Je critique le travail d'une personne que j'admire sincèrement, d'un auteur qui a renouvelé la fantasy française, qui a aussi pondu ce qui est à mes yeux la plus brillante épopée légendaire de toute notre littérature, et qui s'est franchement loupé sur ce coup.

J'en suis le premier désolé.