XVIIe siècle. La mer des Caraïbes est le théâtre d'affrontements féroces entre les flottes pirates françaises, anglaises et néerlandaises contre la couronne d'Espagne, pour la conquête des richesses des îles et du continent américain. Depuis quelques temps, cette guerre est perturbée par d'étranges phénomènes : tempêtes aux effets surnaturels, apparitions de "burbujas" et de "maravillas", sans oublier ce mystérieux vaisseau fantôme qui détruit tous les navires qui ont le malheur de croiser sa route...
« Je suis le capitaine Henri Villon et je mourrais bientôt. » Ainsi commence Le Déchronologue. À mi-chemin entre le journal de bord et le testament, le roman raconte les dernières années du capitaine Villon, flibustier huguenot obnubilé par la découverte des maravillas, artefact merveilleux à la provenance inconnue.
Est-ce parce que la pensée de Villon est confuse dans ses derniers instants, ou parce que les feuillets de son journal ont été retrouvé éparpillés – ou les deux –, les chapitres du roman sont présentés dans le désordre. De prime abord déconcerté, j'ai fini par comprendre que ce chaos apparent n'était pas une fantaisie gratuite de l'auteur. Stéphane Beauverger a sciemment choisi l'ordre de ses chapitres pour que son récit alterne entre mise en bouche de scènes à venir et révélations de questions laissées en suspens. Le journal de Villon est une tapisserie que l'on découvre en suivant de nombreux fils simultanément, pour ne révéler son motif global qu'au tout dernier chapitre.
Henri Villon croisera la route de nombreux personnages hauts en couleurs dont les noms sont à eux seuls une invitation au voyage : Féfé de Dieppe le boucanier, l'énigmatique Sévère, les artilleurs Baptiste et Ventcalme, Gobe-la-mouche, l'indien Arcadio, le Cierge, les frères Mayenne, le capitaine Mendoza, le Vasseur, Brieuc, Pakal, le marchand Molina, le gros Brodin de Margicoul... Chronologie désorganisée oblige, on connaitra parfois le destin tragique de certains d'entre eux bien avant qu'ils rencontrent le capitaine Villon, tandis que pour d'autres, il faudra attendre longtemps avant de comprendre toute l'ampleur de leurs rôles dans le récit.
Véritable roman de piraterie, Le Déchronologue contient tous les ingrédients attendus du genre : batailles navales, prises de fort, cités indiennes perdues la jungle... Le récit est richement documenté au point que seuls les connaisseurs seront capables de discerner ce qui est historique de ce qui relève de la fiction. Du moins, en ce qui concerne le contexte, car certains éléments de fantastique ne laissent aucun doute. Le texte est sublimé par la plume de Stéphane Beauverger, riche et poétique, sans pour autant sembler forcée, qui rehausse encore le sentiment d'authenticité de l'ensemble.
Ce roman a été un véritable coup de coeur. J'aime la littérature de l'imaginaire, les romans d'aventure et historiques. Le Déchronologue est tout cela à la fois et excelle dans tous les domaines.