Ce roman, j'ai eu beaucoup de mal à le finir. Je n'en suis venu à bout qu'après l'avoir abandonné plusieurs fois, pendant plusieurs semaines, et c'est grâce aux critiques élogieuses sur la fin du roman que je l'ai finalement achevé. Pourtant, c'est un bouquin prenant, puissant, intense qui explore les tréfonds de l'âme de son héros ravagé par ses pulsions et ses angoisses. Mais c'est aussi une démonstration qui m'est apparue trop théorique, et même laborieuse par moment. Ainsi, toutes les descriptions idylliques de la famille White, dans les périodes d'accalmie, m'ont paru caricaturales. J'ai l'impression que ce que décrit Selby du quotidien d'une famille heureuse, il ne l'a jamais vécu. Idem pour le monde de l'entreprise, qui reste très abstrait. Ça parle de consortium et de multinationale, mais jamais dans le détail. Selby nous informe qu'Harry est excellent, qu'il trouve des astuces brillantes qui assurent son succès, mais on ne sait jamais vraiment de quoi il est question. On sent bien qu'il a besoin de ça pour élaborer sa dramaturgie, mais c'est vraiment mécanique. A côté de ça, quand il s'attache aux pensées de Harry, c'est brillant. La manière dont il arrive à mélanger récit à la troisième personne et flux de pensée est virtuose, de même que sa présentation très originale des dialogues, toujours insérés dans des paragraphes, sans guillemets ni tirets.
Maintenant que je l'ai terminé, je me rends compte que la partie centrale du roman, que j'ai trouvée longue, agaçante et répétitive, est justifiée par l'explosion des derniers chapitres. Je me suis demandé si cette faiblesse centrale (selon moi) n'était pas un peu due à la traduction, et je me suis procuré la version originale. Je ne suis pas un expert en langue américaine, mais la traduction du premier paragraphe m'a laissé perplexe. Selby entame son roman ainsi : "His friends called him Harry the lover. But Harry would not screw just anyone. It had to be a woman… a married woman."
Traduit de manière scolaire, ça donne "Ses amis l'appelaient Harry l'amant. Mais Harry n'aurait pas baisé n'importe qui. Cela devait être une femme… une femme mariée."
Le traducteur, Marc Gibot, transcrit ces phrases ainsi : "Ses amis l'appelaient Harry. Mais Harry n'enculait pas n'importe qui. Uniquement des femmes… des femmes mariées."
Je sais bien que la traduction est toujours une adaptation, mais là, je trouve qu'il y a un sacré glissement. Quand on y pense, ça n'a aucun sens d'écrire "Ses amis l'appelaient Harry." C'est son nom, tout le monde l'appelle harry ! Et j'ai vérifié dans plusieurs dictionnaires, "screw" signifie bien "baiser". J'aimerais bien avoir l'avis d'un lecteur bilingue, qui aurait pu comparer les deux versions.
racer
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le 6 sept. 2014

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