Le démon de Gotland est déjà le sixième épisode de la série Melchior l'apothicaire, dont les opus sont écrits en estonien, puis traduits en français et publiés en France l'année suivante, sur un rythme soutenu, à raison d'un par an. Pour ceux qui ne connaissent pas, Melchior Wakenstede est l'apothicaire de la ville de Tallinn, située en Livonie et aujourd'hui capitale de l'Estonie, dont en quelque sorte le violon d'Ingres est de mener des enquêtes sur des meurtres commis dans sa bonne ville et d'en aider ainsi le bailli à confondre et arrêter les coupables. Coupables qui sont généralement soumis à des supplices divers et plutôt barbares, puisqu'on est au quinzième siècle et qu'outre la comparution qui est souvent immédiate, c'est généralement la peine capitale qui est prononcée. Les circonstances atténuantes permettant juste au condamné à mort de mourir sans souffrance...
Attention, c'est le droit de Lübeck qui s'applique, car on est à l'âge d'or de la Ligue Hanséatique, et Tallinn, port balte, est sous influence allemande. On apprendra d'ailleurs dans ce sixième opus (et sans doute aussi dans ceux qui précédent) que les allemands sont considérés comme des citoyens de première classe et que les estoniens forment plutôt les couches défavorisées de la population. Bon, ces digressions mises à part, tout ça pour dire que depuis le cinquième tome vient s'ajouter, en filigrane de l'énigme policière que va résoudre Melchior, l'histoire de son fils, également prénommé Melchior, en apprentissage à Lübeck justement, cette histoire étant manifestement destinée à se prolonger sur plusieurs volumes.
Il s'agit d'un rebond qui présente l'avantage de sortir un peu le lecteur de Tallinn, dont il faut dire qu'on fait tout de même assez vite le tour. Comme le sens du détail historique est l'une des qualités de la série, cela permet à l'auteur d'élargir un peu son propos sur ce plan là. Bon, cela lui permet également de fidéliser son lecteur, selon un procédé désormais bien classique et généralement apprécié par les maisons d'édition. La contrepartie, tout de même, est que cela casse un peu le rythme de lecture : tous les quatre ou cinq chapitres consacrés à Melchior père vient s'insérer un chapitre consacré à Melchior fils.
Bon, ce démon de Gotland reste tout de même de bonne facture, peut-être un poil en dessous quand même des précédents opus. La preuve en est que pour la première fois, j'avais deviné bien avant la fin qui était le grand méchant. Un léger essoufflement dirais-je, qui devrait peut-être inciter Hargla à ralentir un peu le rythme...