Je jubilais par avance de me plonger dans l'univers de P. Besson, dont la plume juste et sensible m'a enchantée, entre autres, avec "Arrête tes mensonges". Les descriptions ciselées, dans la simplicité (c'est si compliqué d'être simple) dépeignent les passions et les pensées profondes de ses personnages, surtout lorsqu'ils sont lui. Je trouve, en effet, que monsieur Besson excelle dans l'autobiographie.
Le sujet du "dernier enfant" : l'angoisse du nid qui se vide.
Une mère vit la journée pendant laquelle son benjamin prend son envol, vers la ville, pas si lointaine. Et c'est un euphémisme d'écrire qu'elle le vit dans la douleur. Ce qui se conçoit, le lecteur est d'emblée dans l'empathie. Hélas, ça ne dure pas.
D'une part à cause des lieux communs qui jalonnent le récit. ( Sur la parentalité, le couple, la féminité, la masculinité, la province, l'adolescence, le déroulé d'une vie, la vieillesse, la jeunesse ...) Les personnages : Madame quoique caissière chez Leclerc, à la mentalité d'une desperate housewife. ( lorsqu'on travaille en caisse, on côtoie du monde, on a ses clients habitués, des collègues de longue date, c'est un travail ouvert, on y reste plus jeune qu'en étant expert comptable ou écrivain, trois quarts des salariés des supermarchés sont étudiants. On ne découvre pas la modernité par le biais tronqué de ses enfants, on la vit. Mais admettons, que Mme soit un peu autiste, passons) .Monsieur, bricole, il est taiseux, besogneux, ce qu'il faut de misogynie et de paternalisme ( mais il ne bat pas sa femme, ouf! ), Il ne s'est pas occupé de ses enfants, mais Besson veut qu'on le croie dévasté in petto, ça sonne faux. Ils forment un couple modeste. Aux réactions, aux pensées, à la communication plus que modestes: pauvres. Mme lit, enfin, non se serait trop, elle feuillette à peine le soir, car elle est trop fatiguée, quelques pages de romans.
Lorsque la famille part en vacances, on croit survoler le scénario de Dubosc et son Camping. Monsieur se nomme Patrick, pour faire bonne mesure. Ils ont vu grandir et partir leurs deux aînés, mais ça, ça allait (?). C'est une mère poule ( quand même). Inquiète, aimante, qui a fait des enfants, un peu comme ça, et à versé dans l'abnégation maternelle, on ne sait comment non plus. Tous les clichés sont abordés. Mme est perdue dans la modernité, larguée par ses adolescents, ce qu'ils aiment, ce qu'ils vivent, perdue face à la technologie; toujours étrangère, y compris à elle-même. Si elle tente de dialoguer, elle est maladroite, voire godiche. Comme la méthode de déménagement, (trimbaler à trois des cartons sur trois cents mètres faute de s'être stationné en double file, d'avoir déchargé dans l'allée et s'être coordonnés afin de monter tout le petit fourbi jusqu'au quatrième sans ascenseur, évidemment, sinon, on sent moins la peine des protagonistes). Le couple a peur des noirs et des arabes, car, bien que travaillant dans la grand distribution, ils n'en voient jamais. L'auteur tombe dans l'ultime cliché du raciste involontaire qui a peur de ce qu'il ne connait pas. Terriblement maladroit de camper des ruraux imbéciles prenant les étrangers pour des délinquants sanguinaires, car ils n'en fréquentent pas. Comme si on postulait que ceux qui arpentent les ors de l'Elysée imaginent les étrangers victimes des toutes les injustices, pour la même raison, qu'eux non plus, n'en rencontrent jamais. A quoi bon cet message éculé ?
L'amitié dans ce roman sonne faux, la relation de couple sonne faux.
Le désespoir, la pierre angulaire de l'ouvrage, sonne faux. L'auteur s'aventure sur un terrain qu'il ne connait pas et cela se sent à chaque phrase. Une mère poule, aimante, qui ne vit que pour ses enfants, qui n'aurait de contacts que lointains et vides avec ses aînés, dont elle se passerait très bien, mais se désespérerait du départ du dernier, sans raison particulière autre que sa position dans la fratrie. Pas crédible. Admettons qu'il soit différent des autres pour elle. On ne voit pas en quoi : On lit qu'elle n'est jamais allée au cinéma avec lui, qu' ils ne partagent rien. Un quotidien distant et maussade les unit. On leur souhaite, au contraire de vite passer à autre chose ! J'accroche encore moins pour le fond, sur la maternité, l'auteur rame vraiment. La mère courage qu'il dépeint est invraisemblable. Toute mère sait avant même que naisse son petit que les enfants, on les attend, tout le temps, ou on les sert. On sait s'en séparer car la vie d'une mère oscille comme un pendule de la dépossession de soi, (dévolue aux soins, à l'amour), à la séparation et l'attente qui suivent. Dès qu'on le met chez la nourrice, à l'école, au centre aéré, qu'il se rend chez des amis, au foot, à la danse, au collège, au lycée, on s'éloigne, on se sépare. Car on le met au monde, il est au monde, pas à la mère. Les mères passent constamment du trop au pas assez, elles ne le découvrent pas le jour où le rejeton fait ses cartons. Les mères savent de tout éternité que leurs enfants ne leur appartiennent pas et qu'elles doivent tout leur donner. Le chagrin de cette mère sonne faux. La journée se traine, les dialogues, les bévues, les tentatives de partages émotionnels sont artificiels et passent à côté du sujet.
C'est si mal engagé que c'est long, on pressent que la fin sera une torsion de bras pour dire quelque chose enfin ou esquisser un mouvement. Là aussi, cliché éculé! Il a osé, je ne dévoile pas, mais vraiment, c'est téléphoné et décevant.
Je suis une mère, qui en a vu s'envoler, et qui s'attend à la même chose pour le dernier, bien que ce ne soit pas pour demain. Je ne vois pas quel public ce roman convainc. Sauf les fans absolus de l'auteur et les enfants devenus grands, ayant conservé le statut d'enfants éternels (en ne devenant pas parents).
Merci de m'avoir lue, la critique était longue, mais le sujet me tenait justement à coeur.

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le 19 févr. 2021

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