L'illustration de la première de couverture, mettant en scène, dans un écrin d'arbres noirs torturés par le vent, très anxiogènes, sur fond écarlate ; un bâtiment "aussi grand qu'un couvent et aussi haut qu'une église", selon la belle formule de l'autrice, ainsi que la quatrième de couverture, m'ont annoncé un roman noir, un conte aux relents de Barbe Bleue de notre enfance. Hélas, j'ai même envie d'écrire que ça confine à de la tromperie sur marchandise. Je n'ai rien lu d'autre de cette autrice, aussi ai-je découvert sa plume sous le spectre de cet ouvrage qui, je trouve passe à coté de son sujet, dans la forme comme dans le fond, même s'il a, bien entendu quelques passages réussis.
Le rythme est lent, redondant. Comme si créer une ambiance oppressante consistait à répéter les mêmes choses, seriner que la maison est entourée de forêt, que les fragrances de pins (que je trouve pour ma part plus propices à la détente qu'à l'angoisse) sont partout... Les ressorts sont artificiels, par exemple, les relations entre les sexes, pour l'époque, sont tout à fait douteuses et "en la demeure", encore plus : les hommes sont impressionnés par Madame, Madame est impressionnée par les hommes. Son mari est charmant mais il a un regard noir, alors, il nous faut comprendre qu'il fait très peur... Ce n'est pas suffisant pour étoffer ni les émotions du lecteur ni l'épaisseur des personnages.
La jeune épousée, Aimée, est seule dans la maison, mais elle n'est pas seule du tout, il y a l'improbable bonne, son fils, grotesquement présenté : il passe de bel homme émoustillant à l'église à farfadet effrayant dans le domaine... les ouvriers, la professeure de musique ( Emeline serait entre la maîtresse femme saphique et la servante servile, donc encore un profil assez peu convainquant)...
Bref, je n'ai pas accroché à la fausse solitude ni à l'angoisse désœuvrée d'Aimée, ni au diabolisme de ce mari qu'on lui aurait imposé mais "qui lui a plu". Du mauvais Barbe Bleue, du Bovary creux. Les personnages sont étiquetés de leurs particularités mais n'incarnent pas ce que l'autrice a voulu qu'ils soient : la mère d'Aimée est froide, sans que ce soit motivé ni mis en scène avant l'artificielle scène du cimetière, les motifs et expressions de cette froideur ne tiennent pas. Le père d'Aimée est, pour moi, le personnage le plus réussi et, par conséquent, le plus attachant.
Pour ce qui est de l'intrigue, son déploiement est chaotique, artificiel, poussif. Aimée nourrit des doutes on ne sait comment ni pourquoi, le fossoyeur dévoile des détails sur le chien d'Aleth tout à fait incongrus, dans une mise en scène saugrenue, enfin le suspens n'est pas au rendez vous, la progression de l'intrigue est artificielle. La fin achève de décevoir et laisser dubitatif.
Bien entendu nous sommes dans le romanesque, mais ce que la fin révèle est insensé et tombe à plat. Les personnages tournent au navrant, Henria, le directeur du sanatorium, comme la réaction de la flutiste, et d'à peu près tout le monde, quand on dissèque les ressorts narratifs, après coup, ça ne marche pas.
Je ne suis pas satisfaite de dresser une critique si péjorative, mais vraiment, c'est une vraie déception. Je lirai d'autres ouvrages de Cécile Coulon afin de ne pas rester sur cette mauvaise expérience de son talent.