Son succès, qui ne se dément pas, ouvrage après ouvrage, avec visiblement une fidélité farouche de ses lecteurs, est tel que l'on oublierait presque que Cécile Coulon n'a que 31 ans et déjà quelques romans mémorables à son actif (Le roi n'a pas sommeil, Trois saisons d'orage). Seule en sa demeure semble marquer la volonté de l'écrivaine de faire un léger pas de côté avec un livre qui lui ressemble toujours mais dans un cadre très référencé, celui du roman gothique, en l'accommodant à son propre style. Pourtant, d'emblée, quelque chose ne passe pas, dès l'introduction de son personnage principal, Aimée, une jeune femme qui quitte le cocon familial pour un mariage arrangé avec un riche propriétaire jurassien. La mise en place est lente et les différents protagonistes semblent beaucoup trop lisibles, voire même à la limite de la caricature, dans une intrigue du XIXe siècle qui avance sans beaucoup d'originalité par la prise de conscience progressive de l'héroïne de la chape de plomb qui pèse sur elle désormais et dont elle ne pourra pas se défaire, à moins que ... Théoriquement, l'angoisse devrait monter à mesure que les révélations se font jour et au rythme languissant du début du livre s'oppose un tempo trépidant vers son dénouement où le caractère rocambolesque des faits semble quelque peu forcé. Étonnamment, Les personnages manquent de chair et la tension n'étreint jamais complètement, Cécile Coulon ne réussissant pas, pour une fois, à nous faire partager par ses mots l'esprit (maléfique) d'un lieu, chose qu'elle a fait sans peine dans la plupart de ses textes précédents, grâce à une puissance narrative peu commune dans le paysage littéraire français actuel. Un peu trop construit et écrit "à la manière de" (plusieurs auteurs anglo-saxons viennent à l'esprit), Seule en sa demeure déçoit par son côté presque "ordinaire" au sein d'une œuvre marquée jusqu'alors par l'audace et la spécificité.,