Le Dernier Lapon par BibliOrnitho
Le dernier lapon, c’est deux livres en un.
Tout d’abord un thriller nordique qui se déroule en Laponie centrale entre Norvège, Suède et Finlande. Nous sommes au mois de janvier 2011, au moment où le soleil, après quarante jours d’absence, doit faire une rapide incursion au-dessus de l’horizon. Tous les habitants de la petite ville de Kautokeino sont là : au sommet d’une colline à guetter le retour de l’astre du jour. On prend alors conscience de la longueur de cette nuit polaire et de la souffrance des habitants plongés si longtemps dans le noir.
Outre cet évènement annuel, deux autres eurent lieu coup sur coup : le vol d’un tambour chamanique au musée ethnographique local et le meurtre d’un berger lapon dans son campement solitaire (gumpi). Toute la police est mobilisée. Car il faut faire vite. Nous sommes en effet à veille de la visite d’une délégation de l’ONU déterminante pour l’octroi des subventions accordées pour la sauvegarde du patrimoine culturel des populations autochtones. Subvention importante pour la Norvège qui doit donc montrer qu’elle bichonne ses « indiens ».
Le lecteur suit Nina, la jeune enquêtrice norvégienne et Klemet son collègue sami (lapon) dans l’obscurité et le froid glacial. Poudreuse, glace, troupeaux de rennes et scooters des neiges sont au menu. On sillonne le vidda (la toundra désertique où paissent les animaux) en long en large et en travers à la recherche de ce tambour et du meurtrier qui hante les parages. On aimerait vivement retrouver les deux avant l’arrivée de la commission internationale. Un règlement de compte entre éleveurs ? C’est la thèse la plus évidente car, en raison de la grande précarité dans laquelle survivent les bergers, les tensions sont grandes. Un dérapage est si vite arrivé.
L’enquête connait de multiples rebondissements et Nina, plus finaude que ses collègues masculins, est la seule à soupçonner un lien entre les deux affaires (qu’elle est maline !) A la moitié du bouquin, elle peine encore à leur ouvrir les yeux. Le froid engourdit manifestement la réflexion de ces ours un peu sauvages et certaines révélations qui se veulent fracassantes tombent à plat. Les ficelles de l’intrigue se muent parfois en grosses cordes et Olivier Truc transpire malgré la température polaire pour boucler la boucle. Car le scénario tiré par les cheveux part en tous sens : un tambour magique, un mort, une vieille mine abandonnée, un violeur de jeunes filles, des légendes abracadabrantes… La mule est trop chargée mais pourrait intéresser TF1 pour une merveilleuse saga en six ou huit épisodes accrocheurs. Quant à moi, j’aurais aimé davantage de simplicité.
Mais si Olivier Truc ne brille par sa prose (le texte est souvent limite : style inexistant, syntaxe aléatoire, répétitions…), ses qualités de documentaliste sont nettement plus convaincantes. Car ce livre est surtout un formidable récit sur la Laponie. Les personnages caricaturaux et les événements en surnombre ne sont en effet là que pour permettre à l’auteur de nous parler de cette région qu’il semble si bien connaître et tant aimer : géographie de ces montagnes glacées, histoire de la conquête des Scandinaves au XVIIe siècle, évangélisation forcée des nomades, tracé des frontières qui coupèrent les grandes voies de transhumance et bouleversèrent profondément l’économie locale, transmission orale des savoirs à travers le chant (joïk), chamanisme, mythologie… Extinction inexorable de la culture lapone. Et mésentente des lapons (samis) et des norvégiens perçus comme des « colons ».
Un livre intéressant et fort instructif qu’il faut lire comme un témoignage sur la vie de ce grand-nord si méconnu.