Ce roman tire paradoxalement sa puissance de ses profondes maladresses, intentionnelles ou non, liées à une dimension autobiographique affichée sans fard autant que refusée.
Ce terrible récit prend comme point de départ le vitriolage avéré de la mère de l'auteur, Clotilde Sabatini, farouche opposante péroniste, par son mari Raul Baron Biza, héritier d'une vieille famille de Cordoba, misanthrope alcoolique et pornographe, opposant aux dictatures, qui se suicide le lendemain de son acte.
L'impossibilité d'une langue littéraire affichée par Jorge Baron Biza, par l'utilisation du coliche (sorte de castillan contaminé), exprime comme cher Arlt la difficulté à transcender une réalité intime et renvoie à la tentation solipsiste.
L'histoire croisée de ces trois êtres, père, mère et fils, déplace les figures du mythe oedipien pour en faire une tragédie grecque inversée, dans l'Argentine des années 1960, où les références au péronisme servent de contrepoint politique à ce qui aurait pu rester un simple fait divers : un visage détruit par le vitriol et sa reconstruction postérieure dans une clinique de Milan.
C'est en évoquant son séjour dans cette ville avec sa mère, qui se suicide à son tour, quatorze ans après, que le narrateur en anti-Oedipe parfait, admet sa propre culpabilité : incapable d'aimer sa mère et de tuer son père.
Tandis que moi quatre nuits...