Ce roman tire paradoxalement sa puissance de ses profondes maladresses, intentionnelles ou non, liées à une dimension autobiographique affichée sans fard autant que refusée.
Ce terrible récit prend comme point de départ le vitriolage avéré de la mère de l'auteur, Clotilde Sabatini, farouche opposante péroniste, par son mari Raul Baron Biza, héritier d'une vieille famille de Cordoba, misanthrope alcoolique et pornographe, opposant aux dictatures, qui se suicide le lendemain de son acte.
L'impossibilité d'une langue littéraire affichée par Jorge Baron Biza, par l'utilisation du coliche (sorte de castillan contaminé), exprime comme cher Arlt la difficulté à transcender une réalité intime et renvoie à la tentation solipsiste.
L'histoire croisée de ces trois êtres, père, mère et fils, déplace les figures du mythe oedipien pour en faire une tragédie grecque inversée, dans l'Argentine des années 1960, où les références au péronisme servent de contrepoint politique à ce qui aurait pu rester un simple fait divers : un visage détruit par le vitriol et sa reconstruction postérieure dans une clinique de Milan.
C'est en évoquant son séjour dans cette ville avec sa mère, qui se suicide à son tour, quatorze ans après, que le narrateur en anti-Oedipe parfait, admet sa propre culpabilité : incapable d'aimer sa mère et de tuer son père.


Tandis que moi quatre nuits...

Créée

le 15 sept. 2021

Critique lue 32 fois

1 j'aime

Soph CH

Écrit par

Critique lue 32 fois

1

Du même critique

Allemagne, un conte d'hiver
SophieChalandre
9

"La contrebande que je porte avec moi, c’est dans ma tête que je la cache"

1842, Heine revient. Treize ans d'exil loin de l'Allemagne et ce retour aux sources pour dire toute la complexité de la relation entre les juifs et ce pays qui leur a permis de donner toute leur...

le 20 sept. 2021

9 j'aime

2

Le voyage à Nuremberg
SophieChalandre
9

Hermann Hesse, chemin faisant.

D'une délicatesse vivifiante, Le voyage à Nuremberg est un pur concentré de Hesse. Deux mois de voyage pour un saut de puce du Tessin à Nuremberg avec quelques conférences littéraires en toile de...

le 29 avr. 2022

8 j'aime

3

Les enfants du 209 rue Saint-Maur, Paris, Xe
SophieChalandre
9

"Les pavés sont les mêmes ? Donc il est possible que mes parents aient marché ici ? "

Non, il ne s'agit pas dans ce documentaire de nous désigner encore une fois les innocents et les coupables, les victimes et les bourreaux, nous intimant que, ouf, nous qui faisons aujourd'hui...

le 26 sept. 2021

8 j'aime

1