Quelle force ! Un grand livre de littérature française !!
Bonjour à tous,
Je tiens à faire partager, et peut-être découvrir, un auteur, qui est tombé dans les oubliettes. Occulté, bien entendu, par l' école, ignoré ou très mal compris par les ânes de toutes sortes, etc.... Pourtant, C' était un auteur admiré de son temps, et qui a connu un franc succès, début du XXème siècle. Céline se revendiquera, entre autres, de Léon Bloy. Après lecture, on comprend mieux pourquoi.....
Quelle force se dégage de ce livre témoin du désespoir de l'auteur, en proie à de violentes passions. Révolte suprême contre la bêtise bourgeoise, les conventions, un certain empâtement de l'Eglise qui par ses Saints est sauvée de la médiocrité.
"La contemplation est la fin dernière de l'âme humaine, mais elle est très spécialement et, par excellence, la fin de la vie solitaire".
Quant au bourgeois qui n'avait pas l' air de plaire à Léon Bloy, ce portrait :
"Planté sur d'immenses jambes qu'on dirait avoir appartenu à un autre personnage et qui ont l'air de vouloir se débarrasser à chaque pas de la dégoûtante boîte à ordures qu'elles ne supportent qu'à regret, maintenu en équilibre par de simiesques appendices latéraux qui semblent implorer la terre du Seigneur - on s'interroge sur son passage pour arriver à comprendre le sot amour-propre qui l'empêche, à son âge, de se mettre franchement à quatre pattes sur le macadam". Jubilatoire !!
Avec Le désespéré, le "dernier imprécateur de la langue française" - dernier d'une belle lignée donc - nous livrait un faux roman qui ressemble surtout à un véritable feu grégeois d'une géniale et jouissive intensité littéraire. Pourtant, il n' y a aucune connivence, aucune sympathie, aucune doléances envers le lecteur. C' est un feu qui dévore tout sur son passage, ainsi uqe lel lecteur bénévole.
Cepedant, l' humour n' y est pas absent, et une immense sensibilité se dégage de cet auteur, qui méprise son siècle et ses contemporains.
Mais que raconte ce livre ? C'est l'histoire à peine romancée de Marchenoir/Bloy, écrivain littéralement "seul contre tous", fervent obstiné et désespéré d'un christianisme hérétique et primitif aux accents souvent tragiques, parfois héroï-comiques, personnage authentiquement "donquichottesque" qui lutte pour la Justice avec un J capital dans un monde où les injustices grouillent jusque dans les atomes ! Tout y passe dans ce grand défouloir : tartuffes chrétiens, gratte-papier, fausses idoles consacrées en vile pompe, bourgeois fatigués législateurs, et bien d'autres de ses contemporains à peine voilés sous des noms d'emprunt. Bref, une véritable bande-annonce à Céline, d'autant qu'un certain antisémitisme ne manque pas au rendez-vous...
Je ne peux toutefois m'empêcher de retirer une étoile pour deux raisons précises : la première, la temporalité de l'œuvre dans son acharnement, aussi génial soit-il, sur des noms aujourd'hui oubliés, et qui, fatalement, confère à l'ensemble une certaine caducité. La deuxième, une monotonie de l'imprécation : sur 100 pages, ok ; sur 500, ça commence à faire lourd, d'autant que l'intrigue est souvent reléguée au rayon des accessoires. Mais, je lui parodnne aisemment, rien que pour la profondeur de sa pensée en marche.
Il s'agit donc d'un exercice de *style* avant tout : le texte est très difficile mais superbement enrichissant. L'écrivain lui-même le définit mieux que quiconque : "C'étaient des bondissements d'épithètes, des cris à l'escalade, des imprécations sauvages, des ordures, des sanglots ou des prières".
Largement autobiographique, Le Désespéré nous permet de mieux comprendre les origines de la verve et du mal-être des auteurs réactionnaires. Bloy aborde à tour de rôle les deux aspects de son existence : la vie mystique de Marchenoir, en extase devant la religion de ses aïeux, conquis par les vertus chrétiennes, béat d'admiration devant le silence méditatif des moines chartreux, et sa vie littéraire qui se résume sous un mot : polémiques.
On connaît sa qualité d'expression, son vocabulaire intarissable, son agressivité, son pessimisme dédaigneux... il parle, il accuse, il invective, il ironise, il condamne, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus le supporter. Cet individu n'appartient pas à son époque, ce qui en fait un écrivain incompris de ses contemporains. Il s'est fait chevalier des lettres non par orgueil mais parce que c'est en lui. C'est le Désespéré du monde tombé en déliquescence, le Désespéré d'une France qui renie les valeurs sur lesquelles elle a été bâtie. Ses mots doivent être à la mesure de son désespoir quant à l'avenir du genre humain.
En dehors de ses vertes semonces, Léon Bloy partage des réflexions diverses, austères, sur la philosophie chrétienne. Il fait montre d'une sévérité inénarrable envers les mauvais chrétiens. Qui sont-ils ? Les mondains, les bourgeois grippe-sous, les paroissiens raisonnables-tout-de-même, ceux qui professent leur foi moderne et gênée de laïcards, ceux qui craignent d'en « faire trop » pour le Sauveur, qui ont la sainte horreur du ridicule – et de la sainteté.
Léon Bloy n'est pas connu pour sa subtilité. Il est vrai, entier, rigoureux, bouillant, prêt à mourir pour la cause. Il entend crouler l'Eglise ? Il se précipite sous les colonnes au péril de sa vie. Bien sûr, il manque de justesse : il a tort de jeter la poésie de Hugo à la poubelle. Mais on ne peut lui contester sa rectitude et son génie. C'est fidèle à lui-même qu'il balance aux enfers de Hadès tout ce qu'il déteste : l'athéisme, la médiocrité intellectuelle, la dépravation, les comédiens, les chrétiens de gauche, Marat, Gambetta, Hugo, Bossuet, les prêtres jouisseurs, les stupides romans dévots, le jansénisme et les Dieu-n'en-demande-pas-tant,. Oui, il ne reste plus grand monde... car Bloy préfère la misanthropie à l'incohérence. Il vomit toute cette nomenclature sans distinction de foi, de style ou de talent.
Le chrétien que je suis pourrait émettre quelques réserves : l'enseignement chrétien relatif à l'amour et au pardon, par exemple. Mais je n'en demande pas trop à Bloy, peut-être qu'il est là pour condamner et que d'autres viendront pour pardonner, chacun sa place. Le mince reliquat qui trouve grâce à ses yeux, c'est sans doute l'essentiel de la foi.
Donc, en définitive, un roman assez riche malgré sa lenteur et sa lourdeur. Sa richesse tient dans le personnage de Caïn Marchenoir mais aussi dans la terrible mortification de Véronique, qui dévoile sans honte les visages les plus incompréhensibles de la sainteté : là-dessus, il y aurait de quoi écrire des pages et des pages. D'autres sujets sont abordés : la pauvreté, la communion des saints, et un beau texte sur « la France des vaincus » à la fin. J'ai bien aimé cette lecture car je partage en grande partie le point de vue de l'auteur, même si je ne saurais le dire aussi crûment. Je pense que le cas de la France s'est aggravé, et que cet aruspice de malheur, grâce à dieu, n'est plus là, il n'aurait sans doute pas survécu à notre époque irrespirable !
Pour finir, des citations :
Au sujet de son projet de roman, "la symbolique de l'Histoire" : « De cette forêt [l'Histoire] allait sortir une symbolique inconnue qui allait devenir son langage pour parler à Dieu. »
Le clergé saint fait le peuple vertueux.
Le clergé vertueux fait le peuple honnête.
Le clergé honnête fait le peuple impie.
A lire !
Mais, Quelle virulence dans ce roman…Léon Bloy, qui se décrit avant tout comme un écrivain catholique, est surtout connu pour être un redoutable pamphlétaire, journaliste redouté, chroniqueur de la vie littéraire de son temps, écrivain malheureux qui ne connaîtra qu’un relatif succès à la fin de sa vie..
Dans ce roman, son premier, Bloy se met lui-même en scène en relatant des épisodes véridiques, bien que romancés, de son existence sans compromis ni compromissions. Le récit est émaillé de réflexions sur l’état de la société de dix-neuvième siècle finissant, sur le supposé déclin national, dépravation de la morale et des mœurs et avilissement du génie français…
C’est un tableau noir et sans espoir… comment un être entier, se refusant à rentrer dans le jeu mondain pour pouvoir subsister et parvenir à enfin faire accepter son talent peut-il évoluer dans ce milieu si éloigné de ses valeurs profondes ? Il ne le peut pas et finit par succomber dans la misères et les privations… lui restent l’amour de Dieu et de sa protégée, Véronique, l’ancienne putain devenue une sainte…
On sort de la lecture du Désespéré abasourdi de tant de violence, tant de ressentiment et on tend à devenir misanthrope en mettant en parallèle la société de Bloy-Marchenoir et la nôtre… combien de véritables amis possède-t-on ? combien de fois nous prend-il l’envie de conspuer cette société vile et corrompue ?
A tout dire, la seule faiblesse de ce livre, ce qui explique l' étoile en moins, c' est qu' on se lasse un peu de ne rencontrer qu'amertume et désespérance; les rares moments de grâce sont largement couverts par les tombereaux d'immondices que Bloy-Marchenoir déverse sur ses adversaires... c'est d'ailleurs la plus grande faiblesse du livre... il a vieilli car ces adversaires sont la plupart inconnus et j'ai eu du mal à m'intéresser aux polémiques de l'époque (cela me rappelle d'ailleurs dans le genre le journal de Léon Daudet)... reste le talent de l'écriture, infini, qui rachète à lui seul cette faiblesse du roman. Bloy est sans doute un des plus grands stylistes de son époque.
Pourtant, Léon Bloy vaut le coup d' oeil. C' est un pavé dans la mare de tous les conformismes ! C'est un cri de révolte, un amoureux blasphème, un pamphlet au vitriol contre la société arrogante et triomphaliste de son temps.C'est une œuvre écrite dans une langue barbelée de mots rares, d'une surprenante modernité. Léon Bloy est un "grand" qui a été trop longtemps ignoré par les académiciens de la littérature.
Leon Bloy ici ne respecte pas le roman, il ne respecte pas les convenances de la littérature bourgeoise. Il y exprime sa vision du monde à travers sa verve si unique et si puissante qu'il en anoblit le fiel, la scatologie et le dégueulis verbal.
Le Désespéré est à l'image de son auteur : un récit se révoltant contre le monde bourgeois, contre le culturo-mondain, contre la décadence du catholicisme bourgeois.
Un livre qui ne plaira pas à tout le monde tant il est peu accessible pour un grand public, je tiens à le souligner.
Pourtant, l' école qui nous serine que Flaubert est un grand auteru, et qu' il critique avec virulence, les salons et la société de son époque, dans l' éducation sentimentale, qui est, pour moi, une purge infame..... Je n' ai jamais résussi à dépasser la seconde partie où Frederic Moreau est encore là à admirer Mme Arnoux. Quelle plaie !!
Et là, on a un auteur qui pose un vrai débat idéologique, religieux, littéraire, mystique !! Il pose de vraies questions !! Et on l' oublie !!! On préfère le pensum qu' est Flaubert !!! Merci le Lycée !!
Bref, je vous conseille, très fortement, de le lire. Ne serait-ce que par curiosité intellectuelle. Après, chacun est juge. Mais il est plus que temps de redécouvrir Léon Bloy et d' oublier les pesnum scolaires, fastidieux, et soporifiques !!
Bonne lecture. Portez vous bien. Lisez Léon Bloy !! Tcho. @ +.
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