Même le féminisme, c'était mieux avant. J'ai beau mépriser au plus haut point son idéologie, il n’empêche que De Beauvoir avait un minimum de pertinence, d'argument et de bonne foi pour rendre son essai intéressant. C'est pas comme les féministes d'aujourd'hui qui sont incapables d'aligner trois phrases sans lâcher d'énormes conneries. Là, c'est intelligent...Et les reproches que je pouvais avoir sur le premier tome sont en parti gommés ici.
Après, faut quand même pas déconner, ça reste du féminisme donc du misérabilisme, il y a des passages où on a la petite bourgeoise qui s'indigne : "oh mon dieu, que le travail de la paysanne était dur et atroce !" "que c'est difficile d'avoir ses règles ! La femme souffre tellement !". Je caricature mais c'est un peu ça. Et sa conclusion est assez ridicule.
Alors De Beauvoir pense qu'en amour, il doit y avoir un libre consentement mutuel de deux êtres... Le problème, c'est qu'elle prend son cas de privilégié pour une généralité. Ces gens, de part leur culture, leur intelligence et leur aisance ont échappé à la volonté de l'espèce et se posent comme pur individu émancipé. Sauf que ce n'est pas le cas du peuple, de la majorité des gens, et je crois en la thèse de Schopenhauer : l'amour entre deux sexes opposés n'est pas un libre accord, c'est une aliénation des volontés individuelles à celle de l'espèce. Il n'y pas seulement l'en-soi, le pour-soi et le pour-autrui, il y a aussi le pour-l'espèce.
Il n'y a, en général, aucune liberté dans l'amour mais chaque être humain est à la fois un représentant de son espèce qu'il tente de protéger et de perpétuer et une individualité possédant sa propre volonté, volonté qui tente justement d'affirmer face à celle de l'espèce en la dépassant. Tout homme est comme Achille qui a le choix entre vivre vieux et avoir des enfants ou mourir jeune mais devenir éternel. Mais les nécessités de la vie font que la plupart des hommes choisissent la première voix; la seconde, il la rêve.
Il faut noter que, plus on "descend" dans les classes sociales, dans la pauvreté, plus l'homme et la femme s'attachent aux traditions, aux institutions qui dérivent de cette volonté de protéger l'espèce (la famille, la nation) et à ses valeurs de solidarité qu'on retrouve dans la religion. L'être humain, plongé dans la misère, dans un inconfort matériel, recherche un réconfort dans des valeurs de solidarité et de protection (encore une fois, la famille, la religion) et trouve une existence en s'aliénant à quelque chose de plus grand que lui (la nation). Si les ouvriers et la plupart des gens "pauvres" votent FN aujourd'hui et méprisent la gauche alors qu'elle a toujours tenté de leur apporter une justice sociale, c'est justement parce que cette même gauche a aussi voulu abolir ces valeurs et traditions auxquelles ils se sentent attachés, plus même que leur condition sociale.
Pour en revenir à la femme, De Beauvoir dit que si elle arrive à s'émanciper économiquement, moralement et socialement, elle ne se comportera plus comme une femme ( c'est à dire un être dépendant de l'homme) mais comme un être autonome. Oui, la femme se comportera comme l'homme lorsque seule sa volonté en tant qu'individu sera mise en jeu. Mais lorsque que la volonté de l'espèce reprendra le dessus, elle se réduira à ce qu'elle a toujours été : un objet pour autrui (pour l'homme ici). Encore une fois, je connais des femmes qui ont fait des études prestigieuses, qui n'ont jamais été réduites à leur sexe mais, si en société, elles ne diffèrent pas des hommes; en amour, elles redeviennent typiquement féminines, elle se font femmes pour séduire, pour plaire.
De Beauvoir applique donc sa condition de bourgeoise de Saint-Germain-des-Prés à toutes les femmes. Elle s'est libérée des traditions et des institutions de la société (qui posent évidemment la supériorité du sexe masculin) et veut donc que toutes les femmes en fassent autant alors que, pour celles issues du prolétariat, ses traditions leur sont essentielles pour les raisons déjà évoquées.Dans le patriarcat, l'auteur ne voit que "la femme n'est pas l'égal de l'homme" et elle omet tout le reste : sa situation sociale ne lui a en fait pas permis de voir en quoi le patriarcat peut être un bien.
Elle et Sartre ont donc détruit idéologiquement la religion, la famille, la nation au nom d'une humanité dont ils font seuls partis. Tout ce qui est source d'ordre, d'inégalité, de hiérarchisation doit être aboli pour créer des individus "libres", c'est à dire abstraits, indifférenciés, hors-sol, sans histoire et sans culture. Peut être que Sartre et sa compagne ne voulaient pas aboutir à ça mais c'est bel et bien le résultat de leur idéologie : à vouloir l'égalité, on a le vide, une nouvelle forme de nihilisme.
D'ailleurs, si il y a cent ans, en psychanalyse, on soignait l'hystérie et les névroses, aujourd'hui, on soigne les troubles liés au "moi" ( trouble de l'identité, la schizophrénie, beaucoup de patients se plaignent au près de leur psy d'un sentiment de vide dans leur existence).
De Beauvoir note que, si la femme a toujours été dominée, elle ne s'est jamais vraiment révoltée ,contrairement à l'homme. Elle se plaint de sa situation tout en y restant. Moi je note aussi que si, aujourd'hui, la femme revendique ses droits, c'est parce qu'elle sait qu'elle peut se le permettre, qu'on est plus au temps des guerriers et des héros, on est plus dans un temps où l'homme était essentiel à la survie de la civilisation. Ou sont les conquérants ? Les explorateurs ? Les aventuriers ? Les héros ? Les génies ? Disparus. Il n'y a plus rien à découvrir sur Terre, le danger de l'exploration a été remplacé par le confort du tourisme. Le combat des guerriers s'est vu remplacé par le lancement de missiles, la création dans l'art par du divertissement de masse... Donc oui pas besoin d'être féministe pour dire que la femme peut faire du tourisme, appuyer sur un bouton pour lancer un missile ou faire des livres ou des films pour divertir...
Avant, Il y avait une distribution des rôles qui était nécessaire à la survie de l'espèce mais qui, aujourd'hui, ne l'est plus, notre civilisation approche de sa fin, il ne nous reste plus que le confort de la retraite et nous vivons d'ailleurs dans un monde de confort grâce (ou à cause de) à la société de consommation qui fait tout pour tout rendre pratique et facile.
Donc c'est toujours marrant d'entendre dire que la femme peut faire autant que l'homme une fois que celui ci ne fait plus rien. L'homme n'a plus vraiment besoin d'être homme.
Alors oui, en séduction, il continue à se la jouer homme, à se bricoler une virilité par l'apparence (la mode de la barbe) parce que c'est ce que la femme recherche mais ce n'est qu'apparence.
Surtout, ces critères de séduction ( qui sont faits dans le but d'assurer la survie de l'espèce) sont les plus ancrés en nous, résident dans notre inconscient et sont le résultat d'une évolution qui s'est faite sur des millions d'années. Si la société peut changer des lois, peut donner plus de droits à la femme, elle ne peut pas changer nos représentations inconscientes et nos pulsions ( tout du moins pas dans l'immédiat). Voilà pourquoi, la femme, bien qu'ayant les mêmes droits que l'homme et pouvant être aussi émancipée en public, retrouve bien souvent dans le privé, en amour, cette condition d'objet dévoué au sexe opposé.
Bref, entre idéologie naïve, nihilisme qui ne s'assume pas et pseudo humanisme à deux balles ( cachant en fait un réel mépris pour le peuple), De Beauvoir se pose là.