Roman de José Giovanni publié dans la Série Noire (Gallimard) sous le numéro 414 en 1958.
Evacuons tout de suite le truc gênant. Enfin, le truc qui me gène, personnellement, aux entournures. José Giovanni s'appelai en réalité Joseph Damiani, aux origines corses, et a un passé carabiné de bandit à une période très trouble puisqu'il s'agit de l'avant-guerre et de l'Occupation. En 1948, il est condamné à mort pour avoir participé à un triple assassinat et extorsion de fonds (sur des juifs). Puis, la peine fut commuée puis il fut amnistié après avoir passé une dizaine d'années en prison car en parallèle on lui accorde et reconnait des faits de Résistance.
Comme le nom, à peine masqué, de certains des personnages du roman de la présente critique sont des personnages existants de la même époque, on pourrait penser que l'œuvre n'est pas si fictive que cela. Par exemple, le personnage principal Gu est inspiré d'Auguste Méla ou encore Orloff qui était le surnom de x, agent de la Gestapo. Ces deux personnes connaissaient très bien Joseph Damiani. Il en est de même de Manouche qui fréquentait aussi ce beau monde.
Mais, comme on dit en ces cas-là, il y a chose jugée et José Giovanni, ayant payé sa dette, a droit au silence.
De plus, le monde de la littérature et de l'édition de l'époque ayant accueilli et soutenu cet auteur dès sa sortie de prison, on peut s'aligner sur leurs opinions Et comme je dis souvent, il importe de savoir distinguer l'œuvre de l'auteur sinon il nous faudrait faire un sacré ménage chez les artistes à commencer par notre plus ancien poète, François Villon.
Le roman a été interprété au cinéma par Jean-Pierre Melville en 1966 avec un casting prestigieux où Paul Meurisse affrontait Ventura avec Christine Fabrega, Paul Frankeur et Michel Constantin.
Et je peux dire que la plupart des grandes réparties du film sont mot à mot...
"Le deuxième souffle" est un polar dans la grande tradition du genre avec la cavale d'un bandit, Gu, condamné et qui n'a plus rien à perdre. Il a de fidèles soutiens mais aussi de solides adversaires tant chez les bandits que dans la police, à commencer par le commissaire Blot.
On trouve plusieurs sortes de policiers, du vieux briscard intelligent (Blot) au flic bourrin (Fardiano) en passant par le jeune flic futé et audacieux (Poupon).
On trouve chez les bandits, tous les genres de ceux qui ont un sens aigu de l'honneur et de la fidélité aux infâmes traitres prêts à toutes les vacheries.
Et au milieu de tout ça, Manouche, qui est amoureuse de Gu malgré tous ses défauts et qui fait des pieds et des mains pour lui venir en aide et l'aider à fuir à l'étranger sans se rendre compte qu'elle contribue à le piéger en s'appuyant sur certains personnages dont les intérêts ne sont pas forcément bien définis (Orloff, par exemple).
Le style du roman n'est pas grandiose mais correspond bien à ce qu'un lecteur attend d'un polar. Giovanni alterne entre les passages lents (l'attente du gars en cavale pendant que d'autres se démènent pour lui venir en aide), les passages incisifs (Manouche qui louvoie face au commissaire Blot), les passages violents (Gu règle ses comptes ou Gu piégé par Fardiano) et l'amertume finale.
Si, comme je l'ai dit, le film de Melville est si fidèle au roman, alors quel intérêt de lire le roman ? Eh bien, comme toujours, il faut du temps pour lire les 250 pages du polar. Le même plaisir qu'apporte le film est cette fois réparti sur une plus longue période où le lecteur peut prendre son temps pour distiller les actions et les personnages. Le film est complémentaire au roman et ne sert qu'à mettre un visage sur les personnages du roman.