Ohio. Knockemstiff, entr'autres. Des années 40 aux années 70 je dirais.
Donc, ville moribonde. Des bars miteux aux comptoirs collants. Des prêcheurs filous et alcooliques. Des hommes gras et violents. Des femmes soumises et vulgaires. Des enfants qui font ce qu'ils peuvent. Des bouts de forêts humides et sombres où l'odeur de pourriture prend à la gorge. Des pieds qui traînent leur misère dans la poussière et la boue. Des tueurs en série routiers. Des dents jaunis par la nicotine. Le cheveu qui sent le graillon. L'haleine aux relents de bière.
Bref.
L'Amérique profonde, sale, pauvre, sachant tout juste lire et écrire, s'escrimant dans des boulots miteux pour survivre (barmaid, serveuse, abattre les cochons, flic...).
Pollock prend une petite dizaine de personnages, vivants dans le même périmètre, et nous raconte des tranches de leurs vies. On les suit pendant quelques paragraphes, puis on passe à d'autres, et on les retrouve quelques mois ou quelques années plus tard. Souvent, leur vie n'a pas tellement changée. Mais ils avancent tous vers une fin que l'on sent violente, sombre, glauque et triste.
Et tous, d'une façon ou d'une autre, se croisent et jouent un rôle dans l'existence de l'autre.
Ainsi, Pollock parvient à maintenir une espèce de suspens qui fait qu'on tourne les pages avec une petite pointe d'impatience, à vouloir savoir comment ils vont se rencontrer et de quelle (mauvaise) façon ça va se terminer.
Car, on le sait, rien ne peut facilement, ou bien se passer.
Ce livre est sombre. Les personnages sont dans le meilleur des cas idiots, dans le pire des cas, carrément mauvais. Souvent les deux cumulés. A tel point, que je finissais très vite par les trouver assez pathétiques. Et tellement caricaturaux. Avec franchement du mal à m'attacher à eux.
Pollock ne s’embarrasse pas de psychologie ou de réflexion. Son style est tranché, simple, et basé sur l'action, sur la description des évènements, vu à travers le regard de l'un ou l'autre des personnages, mais sans de réelle profondeur. Ainsi, aucun ne parvient réellement à sortir du carcan de l'archétype qui lui est attribué au départ.
Par contre, Pollock arrive parfaitement bien à rendre l'atmosphère moite et étouffante des lieux, l'enfermement et la dureté de la vie. La pauvreté, la saleté et le dépérissement lent des choses.
Et l'entremêlement des personnages, le va-et-vient de l'un à l'autre, est bien maîtrisé, on est jamais perdu. On sait qui est qui. On sait les liens, même ténus, qu'ils ont.
Alors, ça se lit facilement, avec distraction, mais ça ne reste pas, parce que les personnages intéressent peu, n'ont pas de consistance, et sont très prévisibles.
Finalement, ce livre est un condensé de roman noir américain, efficace et bien écrit, mais sans finesse ni éclat.
Ça ferait certainement un bon film.