J'avais fait une promesse solennelle à mes comparses du challenge Théâtre cette année (sur Babelio) : celle que je lirais une pièce de plus de Yasmina Reza, à savoir Le dieu du carnage, afin de vérifier si La traversée de l'hiver et Art n'étaient que des ratés (ce dont je doutais fortement, vu que j'avais déjà en sus lu un texte non théâtral de Reza que j'avais trouvé nul). Je tiens à laisser une chance aux auteurs, et, ma foi, l'expérience m'a donné plutôt raison avec China Miéville.
Franchement, j'ai cru à de rares moments que, peut-être, éventuellement, je tenais un meilleur texte que les précédents. Mais nan. On peut avoir l'impression que quelque chose va se passer dans cette pièce pendant un temps, que la crise va véritablement éclater et révéler des tensions cachées. Mais nan. On n'est pas dans Qui a peur de Virginia Woolf, par exemple (pardon à Albee de lui comparer Reza). Certes, chacun peut reconnaître ici et là des petites piques qui lui rappelleront vaguement, très vaguement, ses problèmes de couple, de famille ou de je ne sais quoi. Personnellement, je n'abandonne pas d'animaux dans la rue, bien au contraire, je ne passe pas ma vie accrochée à mon portable, mais il est vrai que je n'apprécierais pas spécialement qu'on vomisse sur mes livres d'art. Bref, rien de bien passionnant. Ah oui, mince, j'ai oublié de situer le contexte ! Il s'agit de deux couples qui se rencontrent parce que le fils de l'un d'eux a frappé l'autre et lui a cassé deux incisives ; les parents essaient donc de désamorcer une situation potentiellement conflictuelle. Et évidemment, on se doute que ça ne va pas bien se passer.
Donc c'est creux, c'est grotesque, c'est bourré de clichés, et, surtout, surtout, ça ne dit rien sur rien. L'explosion hystérique des quatre personnages constitue le nadir de ce grand vide. Alors oui, il y a vaguement quelques instants où Reza met les pieds dans le plat, lorsque deux des personnages, indépendamment l'un de l'autre, révèlent qu'élever des enfants, ça les soûle. Mais soyons clairs, ça ne va pas plus loin que ça. Pire, j'ai eu constamment pendant la lecture de la pièce, et j'ai par ailleurs constamment l'impression depuis que je la lis, que Reza navigue dans une ambiguïté pénible. Je suis tout le temps à me demander si sa seule motivation, ça n'est pas en fait de se foutre de la gueule de tout un chacun. J'en veux pour exemple l'histoire du hamster abandonné dans la rue par un des personnages. Est-ce que c'est censé être drôle (je pense que la pièce entière se veut drôle, mais que l'humour de Reza ne me touche pas trop) ? Plus la pièce avance, plus ça prend l'allure d'une espèce de blague. Nan, parce que la maltraitance animale, pour ma part, je trouve pas ça comique du tout. Le coup des deux incisives cassées, sur lesquelles s'étend la mère du garçon concerné : même schéma. Et même chose, je ne vois pas ce que ça a de drôle. Je crois de plus en plus que Reza se place en tant qu'auteur bien au-dessus de son lecteur ou spectateur, et s'amuse de ces questions tellement idiotes de hamsters abandonnés à leur sort dans la rue et de dents cassées. Elle se payait déjà la tête des gens qui jouent au scrabble dans La traversée de l'hiver (j'aime pas le scrabble, mais il ne me viendrait pas à l'idée de me foutre des gens qui y jouent), de ceux qui ne supportaient pas qu'on leur fume dans le nez dans Art, donc, logiquement, je vois mal pourquoi elle ne continuerait pas à faire dans Le dieu du carnage ce pour quoi on se prosterne devant elle depuis des années et des années.
À part ça, Reza n'aime pas qu'on la prenne pour une petite fille riche, parce que, selon ses propres mots, ce n'est pas ce qu'elle est (la pauvre !) Ben si elle tient tant que ça à donner une autre image d'elle, faudrait peut-être voir à arrêter de se prendre pour une déesse de l'écriture et à arrêter de se foutre de la gueule des autres. Notamment en cessant toute activité littéraire publique.