Le Docteur Jivago par Pelomar
De 1905 à 1925, la Russie a connu un nombre incroyables de changements, passant en moins de vingt ans d'une des monarchies les plus absolutistes d'Europe à l'un des seuls Etats communistes au monde, avec entre temps une guerre mondiale dévastatrice et une guerre civile qui ne le fut pas moins.
Je sais pas pour vous, mais moi j'ai toujours du mal à me représenter le fait qu'il s'agit d'une seule génération, que ce sont les mêmes personnes qui ont vécus tous ces événements, et non pas des entités séparés pour chaque régime. Cette génération a commencé sa vie sous les ordres d'un tsar, et l'a fini sous la botte d'un dictateur communiste. C'est probablement ce que j'ai le plus aimé dans le Docteur Jivago, cette façon de lier une suite incroyablement rapide et violente de changements par le destin d'un seul homme.
Ce n'est pourtant pas l'attrait principal du Docteur Jivago, et vous auriez tort de le lire pour cette raison. C'est avant tout un bouquin écrit de manière magnifique: c'est pas vraiment le style que je cherche dans un roman (je suis plutôt attiré par les histoires), et c'est donc la première fois que je fous des marques pages dans mon bouquin pour relire certains passages plus tard. On est parfois plus proche de la poésie que du roman, avec des descriptions incroyablement vivides, et c'est ce qui m'a permis de supporter sans broncher certains passages un peu longuet.
C'est aussi un roman particulièrement mélancolique. Jivago n'est jamais vraiment à sa place, politiquement comme personnellement. C'est un bourgeois, et même s'il approuve initialement la révolution et se sent proche des idées socialistes, il n'arrive pas à accepter les répressions qui vont rapidement suivre. C'est un artiste, un rêveur, un poète, quelqu'un qui cherche avant tout l'accomplissement individuel et non celui de la société. Son amour initial s'en va rapidement en Europe, lui reste en Russie et tente de remplir le vide... Au final, Jivago est seul, désespèrement seul.
Docteur Jivago n'est pas un livre facile, mais c'est un grand livre.