Immersion dans l'histoire bordélique de la Russie de la première moitié du XXème siècle sur 800 pages en poche, c'est le Docteur Jivago qu'il faut lire.
Dans la lignée des grands romans russes au nombre dingue de personnages et des dizaines de liens entre eux (sont-ils les ancêtre des RPG ? Vraie question), le Docteur Jivago propose une saga familiale de quatre personnages principaux de leur enfance au début du siècle jusqu'à l'âge adulte avec comme point d'orgues la révolution bolchévique de 1917 où certains ne prendront pas le parti des autres. On se plaint de nos repas de famille houleux avec les membres qui n'ont pas les mêmes opinions politique, imaginez si pendant la Révolution rouge, vous avez des mecs qui se connaissent qui prennent pas le même parti, l'un communiste, l'autre monarchiste.. Et ici, l'auteur adopte un ton qui semble rigoureusement neutre : certains personnages sont partisans du régime soviétique, d’autres font partie de la fameuse « armée blanche » fidèle au tsar de Russie. Derrière cette façade de neutralité, se cache un travail méticuleux de restitution de la Russie telle qu’il l’a vue, et une réelle volonté d’exhaustivité et d’indépendance de la part de Pastenak. En effet, ce dernier consacre bien plus de pages à la description des paysages de Sibérie qu’aux exactions commises pendant la guerre civile russe et ce sans donner plus. J'insiste sur cela car quand on sait que Pasternak a été forcé par l'URSS de refuser son prix Nobel pour ça, y'a de quoi avoir les boules...
Dans ce feuilleton familial, Pasternak entremêle au fil rouge politique et sociétal certains passage plus détendus pour décrire les paysages que les Jivago traversent durant leur fuite de Moscou. Jivago est plus qu’un médecin : c’est aussi un poète, un homme de lettres et de convictions qui traverse son temps avec une sérénité vacillante mais intacte, et devise sur l’existence et la mort. Les dialogues nombreux entre personnages traversent tous les pans de la philosophie et en particulier l’amour et l’attachement tant à son pays qu’à son compagnon.
Boris Pasternak est obnubilé par le sort de ses personnages. En ne perdant jamais de vue les quatre principaux, l’auteur a voulu proposer une sorte d’« enquête sociale » de l’évolution de la société russe à la fois frappée par le changement de régime de 1917, les guerres internes qui s’en sont suivies, et les changements tant sociétaux qu’économiques engendrés. Bref une très belle fresque peut-être un peu longue pour moi mais une magnifique expérience littéraire