Etant donné l'actualité, nous nous sommes dit avec ma copine courant du mois de mars que c'était le moment ou jamais pour que je lui lise à voix haute le Fléau de Stephen King.


Drôle d'idée me direz-vous. Je répondrai que quitte à se foutre les jetons, autant être dans les "meilleures" conditions pour se faire.Et puis je n'avais plus lu ce livre depuis ma lointaine adolescence et j'avais envie de voir comment il avait résisté aux outrages du temps.


On a donc lu ensemble cet immense récit épique de plus de 1500 pages en quelques semaines avec un certain plaisir.


Débutons en disant que pour beaucoup, Le Fléau est le meilleur livre de Stephen King, et que je suis en désaccord avec cette assertion. Si le fléau s'avère être un livre réussi, il n'en est pas moins rempli de certains défauts typiques de l'écrivain King. J'ai beau être un gros fanboy qui a lu cinquante-quatre de ses ouvrages jusqu'à aujourd'hui, ça ne m'empêche jamais de voir ses errements en tant qu'auteur.


Le Fléau est la première tentative de la part de King de faire une grand roman épique. Il a souvent dit que c'était sa tentative de faire un récit qui ait une portée équivalente au Seigneur des Anneaux, tout en étant évidemment radicalement différent.
Or, ce voyage épique est clairement une première tentative, et le maître de Bangor raffinera sa technique par la suite pour déboucher sur deux autres épopées, à mon sens mieux maîtrisées et plus réussies: sa saga de la tour sombre qui constitue de son propre aveu son magnum opus; l'astre sombre autour duquel tourne tout son imaginaire, et bien sûr Ça qui en ramenant le récit à l'échelle de la petite ville de Derry et de son histoire (mais c'est ici dans le domaine de la temporalité que King va "élargir" son récit), permet à King de concentrer son récit et de faire ce qu'il fait le mieux, à savoir raconter la vie des petites villes américaines et des américains moyens qui y vivent. C'est de ce manque de focalisation que souffre un peu le Fléau qui veut peut-être en dire trop sans trop savoir toujours où il va.


Le roman débute de manière forte, comme souvent chez ce bon vieux Stephen.
Sa première partie décrivant les débuts de l'épidémie, puis la pandémie mortelle, et la description d'une précision chirurgicale de la chute de la civilisation qui en découle est impressionnante de maîtrise.
King va instiller un élément fantastique dans son récit assez vite avec cette lutte entre la lumière incarnée par mère Abigail et les ténèbres incarnées par Randal Flagg.
Ça fonctionne pas mal du tout, mais je trouve les parties dépourvues de fantastique bien plus effrayantes pour le coup, et je me demande ce qu'aurait pu donner ce récit sans l'excès mystique qui lui a été ajouté.
Toujours est-il que malgré mes questionnements, le récit fonctionne parfaitement tel quel jusque là.


La seconde partie même si elle n'est pas à la hauteur des débuts en fanfare du roman reste très intéressante alors que King nous conte la manière dont la civilisation essaye de se réinstaurer.
Cette partie comporte aussi bien une analyse des jeux de pouvoirs et des mécanismes de coercition exercés sur le peuple par le pouvoir politique (manipulation douce pour la communauté de Boulder et dictature sans pitié pour la communauté de Las Vegas) que des questionnements sur la place de la religion au sein d'une société se voulant démocratique. Les personnages que l'on suit depuis le début de cette aventure ne cessent d'évoluer confrontés qu'ils sont aux obligations qu'ils ont de faire tourner une nouvelle société et d'en construire les nouvelles règles.


La troisième partie est malheureusement comme souvent chez King un peu ratée de mon point de vue et surtout bien moins intéressante puisque l'ensemble repose sur la seule foi des quatre représentants du comité de Boulder en la mission que leur a confiée mère Abigail, représentante de Dieu, à savoir qu'ils doivent se rendre à pied à Las Vegas pour se confronter à Randal Flagg, l'homme noir. Cette partie est problématique car elle ressemble à un long Deus ex machina qui se met en place, ôtant toute volonté propre aux protagonistes et antagonistes et finit par les transformer en pantins manipulés par les fils du destin.


La résolution du conflit à travers le personnage de la poubelle qui est clairement le Gollum de l'histoire de King qui cherche sans doute dans le procédé utilisé à montrer tout comme le récit de Tolkien que le mal à travers ses actions sème les germes de sa propre destruction; la poubelle détruisant Flagg de la même manière que Gollum détruit l'anneau


Mais Le fléau, malgré ce que je peux reprocher à la dernière partie du récit, reste une histoire à lire et à vivre au moins une fois. Les personnages y sont, comme toujours chez King, intéressants, extrêmement détaillés d'un point de vue psychologique et attachants y compris lorsqu'ils ont le mauvais rôle.
L'ouvrage peut donc se classer sans problème parmi les plus belles réussites de la littérature apocalyptique, et certaines scènes ou se mêlent horreur et cynisme font froid dans le dos.


A la relecture j'ai donc apprécié le récit, même si un peu moins que lors de ma première lecture. Ma copine a beaucoup aimé mais a aussi perdu un peu de son intérêt pour l'histoire lors de la troisième partie.


Je continue à considérer que malgré ses réussites évidentes, le fléau est un ouvrage qu'on peut situer dans la moyenne haute de ce qu'a écrit King mais surement pas son meilleur.


Et puis lire le Fléau en ce moment, ça nous a surtout donné une bonne occasion de frissonner, certes, mais également de relativiser les difficultés nous vivons en cette étrange année 2020.


N'est-ce pas après tout ce qu'on attend des meilleurs écrits de fiction? Qu’ils nous emmènent assez loin, dans un grand voyage vers des terres qui ne peuvent être explorée qu'à travers l'imagination, pour qu'on puisse prendre un certain recul lors de notre retour à la réalité ?
Si c'est bien le cas, la mission est réussie Monsieur King.

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le 30 juil. 2020

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Samu-L

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