"A liberdade é a possibilidade do isolamento. Se te é impossível viver só, nasceste escravo."

Fernando Pessoa, parmi les nombreux décors qui l’ont composé, a baigné dans celui d’Alberto Caeiro. Caeiro était une sorte de sage païen qui évoluait dans un mysticisme de la nature et des choses absolument fascinant.
La face mystique de Pessoa ?
Alvaro de Campos, autre costume de Pessoa, suivait son maitre Alberto Caeiro en apprenant sans cesse de lui, bouleversé qu’il était par la parole nouvelle provenant de cet homme. Moi aussi j’ai beaucoup appris en marchand auprès de Caeiro.
Ce fut avant tout une réconciliation avec la pensée. Tourmenté par elle, je n’en goutais que le liquide empoisonné que laisse par trop souvent ça domination sur les autres sens. C’était une profonde libération : penser n’était plus une affliction c’était une émanation de la vie comme une autre. Une feuille, le sol, les nuages. Ni plus ni moins que cela.



Je suis un gardeur de troupeaux.
Le troupeau ce sont mes pensées
et mes pensées sont toutes des sensations.
Je pense avec les yeux et avec les oreilles
et avec les mains et avec les pieds
et avec le nez et avec la bouche.
Penser une fleur c'est la voir et la respirer
et manger un fruit c'est en savoir le sens.
C'est pourquoi lorsque par un jour de chaleur
je me sens triste d'en jouir à ce point,
et couche de tout mon long dans l'herbe,
et ferme mes yeux brûlants,
je sens tout mon corps couché dans la réalité,
je sais la vérité et je suis heureux.



Ah… Quelle respiration ! Quel vent doux et frais parcours mon être à cette lecture. Comme si l’on avait enfin ouvert en grand les portes et les fenêtres d’une vieille maison trop longtemps abandonnée. Rien ne peut mieux me contenter que ces quelques vers. Il y a une finalité en eux. Ils sont finis. On ne peut rien enlever, rien y ajouter. C’est une effraction de vie dans un quotidien de machine.


Caeiro fait corps avec le monde. Ca n’est plus l’homme qui contemple son objet, qu’il soit la nature ou une construction, c’est l’homme qui n’est pas séparé des choses qui l’entourent par l’expérience folle de sa propre conscience. Je suis un arbre clame-t-il ! Un troupeau pourquoi pas, dont les multiples animaux qui le composent sont tour à tour des éléments de son anatomie. Point ici de « parti pris des choses » mais juste la nature mystique sans aucun ajout. Et un être qui n’est pas délié du Tout qui l’a enfanté.


La réduction malhabile du poète à ces quelques traits est un doux aveu de faiblesse qui se veut simple invitation pour d’autres à une lecture plus poussée.

Valmy
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le 13 mars 2014

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