Difficile de trouver un titre plus explicite. Tout le long du texte, nous sommes dans la tête d’un gars qui va quelque part. Où ? On n’en sait rien. Pour quoi faire ? On n’en sait rien non plus. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il est sur la route. Au volant, il pense à ce qui va se passer lorsqu’il sera arrivé à destination et il ressasse les événements qui l’ont poussé à être dans cette situation. Petit à petit, un portrait du bonhomme prend forme, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’est pas reluisant.
On comprend qu’il vit à Paris, qu’il est supporter du PSG, qu’il a eu un enfant avec Clara. On comprend que pour lui l’existence était simple : le PMU, les copains, le parc des princes, les parties de jambes en l’air sur le parking du cinéma. Et que les problèmes sont venus avec l’arrivée de son fils. Un gamin qui préférait Cendrillon à Mowgli. Un gamin qui ne s’intéressait pas au foot. Qui a chialé comme une gonzesse dans le tunnel des fauves à Thoiry quand une lionne a sauté sur la vitre. Bref, un gamin qui ne ressemblait pas à ce qu’il s’imaginait, un gamin qu’il ne pourrait jamais reconnaître comme son « héritier ».
L’esprit vagabonde, les pensées s’enchaînent, entre anecdotes et réflexions quasi philosophiques (toutes proportions gardées). C’est décousu et en même temps on sent qu’un fil ténu offre une colonne vertébrale à ce monologue. Dès le départ, on découvre que le gars qui va quelque part est sans filtre. Punchline, vulgarité crasse, coup de gueule, mauvaise foi évidente et quelques éclairs de lucidité en de (trop) rares moments… le narrateur est en roue libre, incapable de remettre en cause ses convictions d’un autre âge.
Un portrait de beauf bien plus subtil qu’il en a l’air. Pour son premier roman Michel Bezbakh démontre une grande maîtrise de la langue orale. Son personnage réussit le tour de force d’être à la fois attachant et à vomir. Finalement, on n’a pas envie de le juger. Juste de l’écouter nous raconter sa vie, partager ses pensées intimes, aussi drôles que dérangeantes.