Voilà que l'on se laisse prendre dans les pas et le souffle de Simon Bolivar en décembre 1830, comme il se disait "général d'un genre humain en miniature".
Il est malade, mais garde une pensée altière. Ses jambes rachitiques, ses côtes décharnées faisaient douter d'une vie avec "si peu de corps". Ce corps qu'il ne protège pas de la morsure des moustiques.
Balbutiant ces derniers credos dans ce demi-continent devenu fou, où il fait tellement chaud que les poules pondent des oeufs à la coque, où le rêve d'unité côtoie une réalité faite de misère et de perdition qu'il intériorise.
Il a porté très haut cette unité mythique d'une grande Colombie au même titre que l'éviction des espagnols.
Ou c'est l'unité ou c'est l'anarchie... Mais surtout Plus un espagnol...
Il n'a jamais voulu souiller son front d'une couronne.
Tout cela dans un pays extrêmement compartimenté, beaucoup de cordillères, d'obstacles naturels, mais pas que, dans ce qui a été lointainement cette nouvelle Grenade, marquée et fracturée de la domination des religieux, des coloniaux, des puissants locaux d'haciendas, entourés, pénétrés des métis, socle de ce qui sera la Colombie. Celle qui par la suite sera traversée de longues guerres intérieures dont la toute récente vient de se clôturer avec les FARC.


Bolivar été marié une fois, veuf très vite, puis jamais de remariage, a goûté toutes les aventures féminines de cet immense continent, ne s'autorisant aucune incorrection dans les préambules de l'amour.
Il n'a jamais eu d'enfants, se déclarait le père et la mère de toutes les veuves de la nation, des parias, des invalides, des orphelins de l'indépendance...
Il était inspiré des idéaux de la révolution française de 1789, en a été le ferment en Colombie.
L'on suit avec fébrilité cette funeste mais intime errance du général, sur le fleuve Magdanela, sa fin de course, ne sombrant jamais dans l'indignité ou le mépris de lui même, cependant que son délitement hypnotique 'yo no existo', oscille entre incertitude et contradiction.
Savoir qu'il a été soigné par un médecin français Prosper, qui l'a à vrai dire, pas très bien soigné... Mais on ne soignait pas la tuberculose...


L'écriture de Garcia Marques est dense en anecdotes, imagée, ponctuée d'humour par contraste avec l'issue fatale et l'atmosphère d'enfermement que la lente maladie de Bolivar dégage, sous le sceau du labyrinthe.
Son jugement politique affleure de façon souvent implicite, rends ce récit plus actuel en particulier à l'aune des rapports avec les états unis.
Mais ce qui envoute c'est l'esprit de Bolivar que l'écrivain parvient à distiller, de celui qui "ne peut sortir sans mourir"...
Le labyrinthe comme archétype de la mort mais aussi de la renaissance.

Goguengris
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le 19 sept. 2016

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