Moins accrocheur que "Basilica" (le premier tome du cycle de "Terre des origines"), "Le général" voit l'histoire s'enliser. Le début peine particulièrement à capter l'attention, avec la mise au second plan des personnages principaux et la présentation poussive du général et de ses ambition.
Et surtout, Card pousse à son paroxysme la métaphore religieuse : autour de Surâme, ordinateur omniscient qui peut lire les pensées des habitants de la planète Harmonie et les influencer, se joue l'exode dans le désert de son peuple élu. L'occasion pour l'auteur de se livrer à des questionnements redondants sur la religion, le rapport personnel que chaun entretien avec la puissance supérieure, la nécessité du plan divin, la foi, le doute... Sujets forts intéressants au demeurant, mais qui sont traités ici avec une rare lourdeur. Surâme a un plan pour sauver Harmonie, et l'on découvre dans ce tome l'étendue des actions qu'il/elle a mis en oeuvre pour parvenir à ses fins. Même s'il lui arrive de douter, pas un détail ne lui a échappé (***SPOIL*** : jsuqu'à la création d'une lignée d'élus en faisant s'unir sur des générations des hommes et des femmes génétiquement compatibles ***END OF SPOIL***). L'auteur use ad nauseam de l'omnipotence de son ordinateur/Dieu, sorte de Deux ex machina qui permet toutes les pirouettes scénaristiques - sans forcément se soucier de vraissemblance puisque Surâme l'a voulu. Il reste alors bien peu de liberté au lecteur et au personnage. Pour ces derniers, la seule voix est celle de l'acceptation aveugle du plan divin, et de la confiance absolue en la capacité de Surâme à les mener à bon port. Personnellement, ça me paraît hautement discutable, et scénaristiquement un peu trop facile.
***SPOIL*** : Discutable également le passage des mariages, qui aboutit à la glorification malsaine de l'union d'une jeune fille de 13 ans et d'un adolescent de 14 ans. Si l'auteur s'interroge par la suite, via l'un de ses personnages sur le jeune age des époux, l'enthousiasme et le lyrisme avec lesquels Orson Scott Card décrit la jeune épousée laisse planer le doute sur ce qu'il a voulu signifier par cette scène. J'en suis ressortie avec un fort sentiment de malaise***END OF SPOIL***
Malgré tout, je lirai le tome 3. Pour voir si tout ceci n'est pas qu'un accident de parcours. Et aussi parce que ce livre possède quand même quelques qualités. Les personnages, bien qu'archétypaux, sont assez crédibles et attachants. Les intrigues politique sont très habilement menées, et constituent sans aucun doute le point fort de ce tome et du précédent. L'entrevue entre Dame Rasa et le général Mouj est à ce titre une vraie réussite. Enfin, le style est à la fois fluide et accessible, sans pour autant tomber dans la platitude, avec parfois même quelques jolies trouvailles langagières.
Reste à espérer que Card ne pousse pas trop loin ses errances mystiques.