Ne vous fiez pas à la couverture, ce livre est fascinant !
Fascinant par son décor: le ghetto de Prague avant et après son "assainissement" quelques années avant la montée de l'antisémitisme en Europe.
Fascinant par le mythe qui le traverse, celui du Golem, cette créature d'argile qui aurait été fabriquée de la main d'un rabbin pour aider les gens du ghetto et qui prendrait vie grâce aux mots de la Kabbale (EMETH = vérité = vie, et pour l'arrêter il suffit d'enlever aleph => METH = mort ; selon une des principales légendes). Si le mythe est revisité et que l'on ne sait pas vraiment à quoi s'en tenir au sujet de ce golem-ci, on comprend pourtant qu'il est le fruit (réel ou imaginaire) d'une ville condamnée, une sorte de nouvelle Sodome qui s'effondre sous ses propres péchés (il suffit de voir les descriptions des façades des maisons qui semblent retenir les habitants contre leur volonté et les faire pourrir de l'intérieur).
Fascinant par ses énigmes ; grand amateur de spiritisme, Meyrink lui donne une place importante dans son roman : jeu de tarot, Kabbale, sortis de corps, etc. On retrouve quelques grands "trucs" du roman gothique (la maison qui n'est visible que dans le brouillard, le souterrain secret, les apparitions...) qui favorisent l'ambiance morbide et mystérieuse.
Fascinant par ses personnages : si on s'attache presque immédiatement à ce pauvre Pernath qui subit complètement cette histoire et est pourtant certainement le seul à être sain d'esprit dans cette ville de fous (quoique), on apprécie aussi les personnages secondaires pour lesquels Pernath se bat contre la ville-poison : je pense notamment à Charousek (l'homme qui "sent" le sang des hommes) et Myriam (la jeune fille pure qui ne peut survivre dans cette ville qu'en attendant des vrais miracles). On en finirait presque aussi par avoir de la pitié pour Wassertrum, le brocanteur juif par excellence (millionnaire avare, fouineur, méchant, et en plus de ça affreusement laid).
J'ai aussi personnellement beaucoup aimé le style. Même si évidement il faut prendre en compte le travail du traducteur, il reste néanmoins très moderne pour l'époque et tient en haleine pendant 300 pages. La fin est surprenante, certes, ressemblerait presque à une fin bâclée ; mais des indices (au début du livre, et même dans le récit) nous présageaient un dernier petit retournement de situation mystérieux. Ce qui, je trouve, n'est pas déplacé au regard de toutes les énigmes que pose ce roman.
Bref, un livre qui se lit vite et bien, et si vous en ressortez en vous posant des questions, c'est normal !