Premier roman à la fois d'espionnage et noir d'Antoine Dominique publié dans la collection Série Noire au n° 220.
Antoine Dominique est le pseudonyme de Dominique Ponchardier qui fut résistant gaulliste pendant l'Occupation et poursuivit des activités occultes par la suite et dans l'ombre de De Gaulle à partir de 1948. Lors de la guerre d'Algérie, par exemple, il luttera contre l'OAS.
Ces diverses activités, comme barbouze pour employer le mot adéquat, imprégneront fortement son activité littéraire qui, au départ, concernera les aventures de Géo Paquet dit le Gorille. Rien que dans la collection Série Noire, aux éditions Gallimard, il y aura 43 romans … J'en ai dans ma bibliothèque une petite trentaine que je me propose de commenter (petit à petit^^) et dans l'ordre … et qui alimenteront la liste "romans de Série Noire" avant d'en faire une liste spécifique à "Antoine Dominique". Ces 43 romans ont été publiés entre 1954 et 1962. Ça donne une idée du rendement de l'auteur et pour rester honnête, il y en a bien quelques-uns qui ne sont pas terribles, terribles…
Un point commun de tous ces romans ce sont les personnages récurrents : Geo Paquet, bien sûr mais aussi Chaboute son épouse, Le Vieux, le colonel Berthomieu, quelques collègues comme Berthier.
Dans ce premier roman, Antoine Dominique met en scène une infiltration du Gorille chez des trafiquants de devises qui semblent être la couverture d'un trafic de dossiers techniques secrets au profit d'une puissance étrangère. L'intéressant est le fonctionnement de tous ces services de la PJ, à la DST et aux Services Spéciaux qui se tirent tous la bourre car de plus en plus occultes bien que chassant sur les mêmes terres. En fait ce qui provoque les rancœurs tenaces entre ces trois services, c'est que plus l'activité est occulte, plus les agents s'autorisent des libertés face à la loi. Mais là où ça devient palpitant, c'est qu'à partir d'un certain niveau (des hiérarchies respectives), les rancœurs s'estompent au profit de l'efficacité lorsque le problème est trop épineux pour être résolu au grand jour.
Restent les personnages hauts en couleur :
Géo Paquet dit le Gorille : 110 kg de viande ferme et 1 m75 le faisant apparaître presque aussi large que haut : sa cage thoracique est telle "qu'elle le fait paraître court" … autant dire qu'il n'est pas facile à désarçonner (le centre de gravité étant bas) et qu'il ne craint pas la bagarre … Un individu qu'on arrête difficilement une fois lancé et qui ne s'embarrasse pas trop de scrupules.
Le Vieux ou Colonel Berthomieu "avec son œil crevé, sa moustache en balayette de chiotte" et son humeur massacrante qu'on pourrait presque croire méchante et hargneuse…
Chaboute, l'épouse du Gorille, ancienne des services spéciaux elle aussi, devenue mère de famille avec deux enfants mais capable de redevenir une vraie tigresse pour défendre son pré carré en général et son homme en particulier.
Face à eux des flics (DST, PJ) bas du front qui ne supportent pas que des éléphants du style Geo Paquet viennent tout casser dans leurs magasins de porcelaine (parce que c'est évidemment toujours la façade visible qui paye), des truands et traitres méchants comme la gale et qui n'hésitent pas à employer les bonnes vieilles méthodes (gestapistes) pour faire parler.
A part ça, "Le Gorille vous salue bien" est un bon petit polar qui ne néglige pas pour autant un certain humour, un peu décalé. A la question, est-ce ce type de personnage ou d'action sont toujours d'actualité, ma réponse est oui car tout pouvoir, de tous temps, a besoin peu ou prou de cet échelon discret. Aujourd'hui, on crie au scandale (sans savoir) dès qu'on découvre une barbouze mais à l'époque (années 50, 60 et juste après-guerre), on pouvait encore dire les choses …