C'est dans le petit village limousin où il vit que le narrateur va faire une découverte qui va changer sa vie. Il a huit ans et sa mère lui dit qu'il est laid, c'est un vrai bouleversement pour lui, qui le propulse, plus vite que prévu dans l'âge adulte. Issu d'une famille atypique pour l'époque, parents divorcés, une mère démissionnaire qui a abandonné son éducation à sa soeur aînée, âgée de dix ans de plus que lui. Véritable bête de foire, les habitants commencent à lui donner le doux surnom de "laidassou" en patois. C'est au collège où ses camarades commencent vraiment à lui faire "payer" la laideur de son physique, il voit les yeux de ses camarades comme des miroirs qui le forcent à se reclure encore d'avantage dans les livres, son seul salut. Paradoxalement, son visage ingrat va lui servir, car les jeunes filles, se servent de lui pour se donner des frissons, flirtant avec lui comme avec un précipice, se servant parfois de lui pour se rassurer quand à la beauté qu'il manque à leur propre faciès. Il nouera une relation amicale avec une jeune fille aux traits ingrats, mais ses parents, craignant que cela se sache et fasse du tort au renom de la famille, mettront vite fin à ce début d'idylle. La plus intrépide ira même jusqu'à l'embrasser sur la bouche, sur la place publique, une très jolie fille, voulant braver les interdits et donner du piquant à sa jeune vie. Le "handicap" du jeune garçon, va lui permettre de comprendre les subtilités des rapports humains, des égos, et va vouer une véritable passion à la femme, devenu un sujet de dissertation avéré, pour un homme qui se pense voué à ne jamais trouver l'amour.

Le goût des femmes laides est une fausse autobiographie, reprenant des éléments réels de la vie de l'auteur, origine limousine, certains noms... qui se projette dans un avatar d'homme très laid. Le titre prête à confusion, car en fait le héros ne préfère pas les femmes laides, loin de là, il est tellement difficile, qu'il trouve des défauts aux plus jolies d'entre-elles car cela lui fait trop mal de les sentir inaccessibles. Je pense qu'il faut lire "goût" au sens non pas métaphorique, mais littéral, gustatif, car le narrateur est un véritable gastronome de la femme. Il la goûte et lui trouve des attraits chez toutes, surtout avec le condiment du plaisir, même la plus vilaine se trouve transfigurée dans ses bras. Il se donne aux femmes laides, sans ambages, sans mensonges, et son simple physique suffit à les rendre plus belles, mieux dans leur peau. La belle femme ne l'est que pour un instant, déjà guettée par les affres de la vieillesse, la laideur seule est constante. Toutefois, il ne sait pas tomber amoureux, il faut dire qu'il mène une sorte de relation incestueuse platonique avec sa sœur qu'il ne quitte jamais, se protégeant l'un l'autre de la passion qui leur fait peur, et trouvant refuge dans la littérature. L'analyse humaine, et plus spécialement du sexe qu'on dit faible, est magistrale, digne des plus grands philosophes, et nouvelle. Assez de l'hypocrisie de la "beauté intérieure" et pire de nier qu'il existe un principe même du Beau. Millet tranche, dénonce, s'extasie, pleure et nous le suivons volontiers. J'ai vraiment cru qu'il s'agissait d'une véritable autobiographie, l'auteur laissant planer le doute jusqu'au bout, son nom n'est jamais mentionné et une partie du livre est inspirée de sa vie. Curieuse de voir à quoi ressemblait celui qui se comparait à "Quasimodo" ou "Elephantman" j'ai fait un petit tour sur google, et j'ai compris l'imposture, chapeau! Seule petite note négative, un peu trop d'apitoiement sur le personnage principal. Ça reste à mon sens une œuvre majeure de la littérature, pour un auteur trop peu connu.
Diothyme
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le 21 févr. 2011

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