Je pense que les grands livres sont ceux tiennent leur promesses, d'une part, mais aussi ceux qui au bout de la lecture, nous auront offert bien plus qu'on aurait pu l'imaginer
Le Grand Cirque est de cette trempe là. Indubitablement.
Pierre Clostermann, pilote français détaché à la RAF de 1943 à la libération nous raconte la guerre, sa guerre, vue du ciel, flanqué d'abord de son Spitfire et ensuite de son de Tempest. Le récit prend ici la forme d'un carnet de vol, ou dates après dates, il égraine ses différentes missions sous les nuages ennemis. La redondance des anecdotes de guerre n'est nullement fastidieuse à lire, car la puissance de l'écriture de Pierre Clostermann réussi à transposer l'enfer des combats aériens en un objet tout à fait littéraire. Parce qu' on s'y croirait, pages après pages, dans ces carlingues de tôles, à 10000 pieds d'altitude, à 800 km/h, tétanisé de peur de se prendre une volée de traceur venant d'une unité de Flak au sol, ou encore de se faire déchiqueter le fuselage par un appareil ennemi caché dans la brume.
Il fallait être fort habile pour restituer ce tableau de chasse infernal, contraste total entre la fureur des combats et la beauté du ciel. Pierre Clostermann se montre à la hauteur des sphères chaotiques qu'il a fréquentées, nous somme avec lui du premier coup de manche jusqu'au dernier atterrissage.
Mais il ne se contente pas que de cela, oh non, ce serait bien mal connaître l'oiseau. Avec une dignité qui caractérise si bien son écriture, il parvient même à rendre compte des climats ambiants rencontrés durant cette période. De l'hostilité de la population française à son égard, lui expatrié et donc à leurs yeux , lâche, lors d'une permission à Paris jusqu'à l'ambiance de fin du monde suite au débarquement de Normandie, Pierre Clostermann esquisse l'horizon de la seconde guerre mondiale depuis son avion de chasse, avec hauteur et majesté. Une pointe de vanité finit de compléter le récit, sans aucun doute, mais on pardonnera cet écueil tant l'homme dévoua ses tripes à la libération de la France.
Malgré ce recensement de faits de gloire et d'héroïsme, Pierre Clostermann tapisse aussi son livre d'une amertume qui le ronge, et le rongeât probablement jusqu'à la fin de sa vie. Mais il serait dommage d'en dévoiler ici la raison, distillée en filigrane ...
Ce livre ravira donc les férus d'histoires de guerre, mais pas que. Le viseur du chasseur offre un angle de vue inédit, racontant aussi bien les avions que les hommes à l'intérieur.
- Je ne résiste pas à vous proposer un petit extrait de quelques minutes d'une interview de Pierre Clostermann. Il donne un rapide aperçu de la noblesse de cet homme.
** Le titre est tiré du livre. Pierre Clostermann utilise cette expression pour décrire les pilotes de la Seconde Guerre Mondiale.