Deux auteurs, deux styles, mais un même combat. Gabriel Dinu et Marius Conu sont tous deux roumains. L’un s’exprime par fulgurances et suggestions imagées, l’autre dans une langue plus directe, plus concrète, plus accessible aussi. Ils ont choisi l’arme des mots et de la poésie pour s’insurger contre la guerre en Ukraine. Leur texte engagé résonne en écho aux bombardements et aux frappes qui sèment la mort, pointant, au travers de la désolation, les grises ombres du pouvoir et leurs manœuvres « cannibales ».
Piqués ici et là des noms de lieux qui donnent une géographie à la douleur et à la dévastation évoquées – Kiev, Marioupol, Donetsk, Boutcha, Kherson, Melitopol, Odessa… –, les vers des deux poètes s’impriment dans un mélange de tristesse et de colère, alors que, convoqué par la récurrence des mentions au Russe et au « monstre nain », le visage froid et figé de Vladimir Poutine s’impose constamment en transparence des mots, apparition menaçante venue rappeler au monde, et en particulier aux anciens pays satellites de l’URSS comme la Roumanie, la lignée des spectres soviétiques de terrifiante mémoire et « l’ombre du parti » dont on avait trop tôt enterré l’inextinguible soif de pouvoir. Le titre du livre est explicite : c’est aux tyrans les plus sanguinaires de l’Histoire que l’on fait référence ici...
S’élevant tour à tour, chacune en une partie distincte du recueil, les deux voix jouent une partition contrapuntique et se renforcent l’une l’autre, leurs différences de ton soulignant davantage encore leur unanimité. Et, rien n’étant plus difficile à transcrire que la poésie, l’on se prend d’admiration pour le délicat exercice de sa traduction, augmentée des quelques explications relatives aux non-reproductibles jeux de mots et aux détails culturels roumains, qui a permis la parution concomitante de cet ouvrage en Roumanie et en France.
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