Plus le monde est beau, plus le supplice est atroce !
Voici un livre, élucubration fantasmatique de son auteur, qui peut nous plonger dans la peur et le dégoût de la nature humaine. Dans un style littéraire magnifique et impeccable OM nous démontre que l'homme est brutal, violent, sans pitié. C'est un meurtrier. Il n'y peut rien c'est dans sa nature. Il n'a pas forcément besoin de prétextes pour tuer, faire souffrir psychologiquement ou physiquement. Si le droit est avec lui, les frontières, les barrières tombent et il peut alors se repaître de cette pulsion mortifère qui est en lui. Il se glorifie au milieu d'un charnier.
Constat pessimiste !
L'homme apprend-il ? Pourquoi brûle-t-il des sorcières ou des races considérées impies, écartèle des condamnés, torture des suspects, tue des enfants, empale des victimes, massacre des innocents à grands lâchers de bombes ou de jet de napalm, jette des hommes drogués mais vivants dans la mer (vols de la mort)... ?
Pourquoi les mots liberté, égalité, fraternité semblent-ils vains ?
Dans le Jardin des supplices ce sont les horreurs du colonialisme franco-anglais, incarné par le couple Clara et son amant, le narrateur interne qui sont dénoncées. Le propos est ambiguë. Il voudrait nous faire croire que la torture, le meurtre et la violence procurent du plaisir. C'est Clara fervente adepte de la "petite mort" guidée par des pulsions scopiques assumées qui fait vivre cette idée. A son côté son amant (Octave Mirbeau himself ?) incarne l'impuissance, la résignation. Il n'arrive pas à dire non ! C'est une espèce de looser perdu dans ses contradictions. "Un homme de paille" dégoûté de lui-même, de la vie. Il n'arrive pas à donner le coup de talon salvateur qui pourrait lui faire sortir la tête de l'eau. Le suicide n'est pas loin. Le suicide qui lui permettrait de s'échapper, de fuir ce monde d'épouvante.
Pourtant il ne réagit pas, il accepte et nous représente dans notre incapacité à nous élever contre l'injustice ou la cruauté. Pire c'est à cause de nous, de notre envie profonde de meurtre qu'il est inutile de lutter !
Lors de la lecture il faut chasser les idées noires qui nous envahissent et essayer de nous concentrer sur les messages sous jacents : l'humanisme, la dénonciation des horreurs, et l'amour. Oui ils sont bien présents et dits explicitement. Toutefois on peut passer "à côté" en se laissant aveugler par la crudité des mots. Poudre aux yeux !
Ce livre aurait pu être bien plus noir si OM avait connu les horreurs du Nazisme ou le génocide des indiens d'Amérique du Nord et tant d'autres horreurs que la nature humaine est toujours capable de produire. Peut être à l'image de Stefan Sweig se serait-il lui aussi donné la mort pour échapper à la violence de ce monde gangrené de pourriture.
Il faut espérer même si Octave Mirbeau semble ne plus y croire. Tout la-bas, très loin, dans les tréfonds de son être c'est ce qu'il attend de nous.
Le jardin des supplices traversera le temps. C'est un classique à ne surtout pas prendre au premier degré.
Ouvrage à rapprocher de la machine de torture de Kafka dans "La colonie pénitentiaire" ou des chansons de Boris Vian. http://www.parolesmania.com/paroles_boris_vian_62634/paroles_les_joyeux_bouchers_1071301.html
Ambiance musicale terrible :
https://www.senscritique.com/album/Leng_Tch_e/critique/112856144